Poèmes pour le dimanche et pour l'amitié (3)
Poèmes pour le dimanche et pour l'amitié (3)
à tous ceux qui meurent et à tous ceux qui résistent en Ukraine contre la barbarie et l'ignoble
A l'heure des bruits de bottes qui reviennent avec un dictateur impérialiste, paranoïaque et manipulateur, il est toujours temps de lire des poèmes quand bien même ils ne sont pas en prise avec l'actualité immédiate. Car chaque vrai poème qu'il soit d'amour, d'amitié ou de révolte vient nous libérer de la rouille du langage et de celle de l'intelligence. Contre la haine et la violence gratuite tout poème est une déclaration d'amour et de présence. Et une révolte aussi.
Je reprends aujourd'hui un poème écrit à vingt ans lorsque j'étais surveillant d'externat au collège Le thabor à Montgeron dans la région parisienne, au moment même où des élèves du collège m'offrirent ma première guitare. Ce poème d'abord publié en revue, ne fut repris en recueil que bien des années plus tard dans Mouvance mes mots chez le grand René Rougerie.
J'écoutais déjà bien sûr à l'époque un certain Jacques Bertin. Un grand lui aussi, armé d'une infinie rigueur. Un poète, un vrai, qui n'a jamais fait la moindre concession pour avoir du "succès". Jacques, le courage et la dignité. C'est lui que je convoque pour ce 3e "Poèmes pour le dimanche..." avec le sublime "Paroisse" et un extrait de Blessé seulement qui évoque aussi le "deuil". Ce deuil pour moi de ceux qui actuellement meurent en Ukraine. J'ajoute quelques liens pour retrouver Jacques. Vous pouvez lire notamment un très bel hommage de l'ami Christophe Dauphin dans "Les Hommes sans épaules".
Je présente aussi Jacques dans mon "anthologie subjective" que vous trouverez en lien sur ce site.
Murmure
Comme la ville faisait des pas d’angoisse
Je me suis demandé
Quel était ce silence de poing brisé
Qui voltigeait entre les algues des enfants
Toutes ces vérités que l’on garde au secret
Dans des bas de soie
J’ai joint mon pas à la foule
Pour briser l’harmonie des tambours
Et j’ai beau porter des sacs de sang
Pareils à des loups affamés sur mes épaules
Je n’en suis pas crucifié pour autant
Mouvance mes mots (éditions Rougerie, 1984)
J'ai trop ce deuil en moi pierres à pierres
et je suis couturé de ces routes barrées
des arbres par le vent brisés
sont en travers
des fermes mortes - vent des feuilles
nulle part la voix porte où l'âme veuille
ni le dernier autocar de l'hiver
au pont en bas il n'aura pas tourné
et le café Aux platanes est désert
il n'y a plus âme qui aime âme qui veille
j'ai trop ce deuil en moi voyez de peine
donc pardonnez le vent tournant dans l'esprit harassé
et le hameau perdu la place défoncée
et le souvenir de ces yeux qui encore à l'instant l'a traversée
Jacques Bertin, Blessé seulement
Paroisse
Des femmes sont assises dans l'hiver
Le long de la radio, sur un dernier travail
C'est tard la nuit, il est déjà dans les dix heures
Depuis longtemps dorment dans les chambres glacées
Des enfants protégés du mal par un signe de croix
Des femmes sont assises dans l'hiver. Il fait grand froid.
A la gare on attend encore le train de Combourg et Dol
Dans la prairie les gitans guettent le sommeil des chevaux
Ils ont plié le cirque dérisoire et ils s'en vont. Demain
Les maçons ne travailleront pas sans doute à cause du gel
Demain il y a messe pour la jeune fille qui est en deuil
De Nantes vient le givre avec ses cuivres. Il fait grand froid.
Paroisse de l'année soixante. O périphérie de la paix
Femme posée comme une lampe à huile dans le silence
Rassemble dans cet écrin-là tous tes enfants. Emporte-les
Vers le bon dieu et qu'on ne nous sépare pas
Demande-lui si c'est bien demain que le payeur passe
Et quand va-t-on enfin goudronner la rue. Tu as froid.
Tu fermes la radio. Tu montes en faisant attention
Vers un endroit que je t'ai préparé dans ma mémoire
Et qui s'est détaché de moi pour vivre, comme une chanson
Où tu es bien parce qu'on ne nous séparera pas.
Septembre 2019 Bonjour, Vous recevez cette lettre d'information parce que vous êtes inscrit(e) au fichier de Jacques Bertin .
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Sommaire du numéro Éditorial / Manifeste : "La voix des Arabes libres", par Abdellatif LAÂBI Les Porteurs de Feu : Poèmes de Jacquette REBOUL , Abdellatif LAÂBI Ainsi furent les Wah : Poèmes de Jean VIGNA , Alain SIMON , Jean CHATARD , Paul MARI , Marie-Laure MISSIR Dossier : Jacques BERTIN, le poète du chant permanent, par Christophe DAUPHIN , Poèmes de Jacques BERTIN Une voix, une œuvre : Jacques TAURAND , par Christophe DAUPHIN , Jacqueline BREGEAULT-TARIEL , par Monique W.
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