Poèmes d'amour
Choix de poèmes d'amour
(en cours d'élaboration)
Je choisis de poster ici un choix de poèmes d'amour que je reprends dans l'ordre chronologique. Je compte d'ailleurs éditer un prochain jour ce choix dans un recueil.
Tous ces poèmes ont été publiés dans des recueils ou des revues. Je posterai les références peu à peu.
Amour et douleur
Poèmes d’amour
"vos poèmes sont amour et douleur."
G.E. Clancier (lettre à l'auteur)
Guy Allix
Au creux d'un seul abri
Un caillou martèle
Des correspondances inouïes
Le flanc offert
A tous les sourcillements
J'écoute l'étreinte
Sous les volutes d'une femme...
… Dehors la pluie rêve d'un autre ciel
***
CRIANT D'AVEUX
1
L'ombre plus que boire
La mémoire bat des rythmes
Sur nous comme des tenailles
Le magma et le vin
Ont la forme d'un baiser
2
C'est l'abîme qui nous perçait...
Les murs nous serraient
Comme des pieuvres
3
Depuis mon ventre
Je te demandais de boire
Au cœur des loups
Toi tu t’écartais pour mieux m’enfouir
4
Une nuit comme toutes les autres femmes
Les vitres se taisaient
5
Quelques tessons s'abritaient encore
Derrière mes yeux
Augmentant cette mort au ventre
Et ce cri plus que muet
6
Lanterne ou givre et peau dedans
Nous confondions nos nuits
En un seul lit
7
A l'aube le temps venait
Un peu plus vieux
Oui me croquait les chevilles
***
Quand tout s'est soudain séparé et lutte
Nos gestes le soir
Refluent vers d'autres rives
Je te donne un instant
Je t'accroche ma peau
Aux griffes de tendresse
Nous aimons par la franchise d'une mort
***
On n'économise pas
C'est l'abondance du sperme
Ce lieu qui s'expose
Ce lieu qui dit vrai
Cette tendresse d'argile
Qui fuse
Depuis le point obscur de la sueur
Ta main pleine de nous
***
à Jean Bernard
C'est quand rêve l'heure
Au bout de la phrase
Encore tout essoufflé d'un nom
Tu prends la rive d'un nuage
***
Le souffle court
1
Notre fragilité pour nid d'amour
Je songe à ta douceur cernée de silence
Tandis que la mort assiège
2
L'hiver viendra un autre regard
Nous jeter à la cohue blanche de l'air
La caresse sera seule au monde
Comme une prière
***
Lignes de femmes
Un peu de terre entre les bras
Si près si bas
Argile patiente de l'amour
Oser ses fruits au bord du vide
***
Fragile elle vient poser sur ma peau
Le rêve d'une fleur
Elle partage le sang
Elle fait l'amour au monde
Tout au fond de moi j'accouche son plaisir
***
J'ai voulu tout donner à mon amour
Et mon amour m'a tout pris
Qui mène chemin d'herbe mouillée
Mon amour m'a tout pris
Même mes mots et ma tendresse
Même le poids de mon amour
***
Etreinte
Tu ne sais trop ce qui se cache
Sous la caresse
Ce qui reflue sous le désir
Quand tu modèles l'autre
Quand tu lui souffles vie
Tu participes à l'amour
Comme un aveugle
***
Les filles se donnaient tôt comme la terre
Elles avaient le temps aux trousses
Et permettaient l'amour qui cherche au plus profond
Elles offraient la chaleur pour une rose
***
C'est leur beauté sans doute
Et le grain de leur peau nue
Qui permettait au mineur
D'affronter la nuit
***
Les garçons les regardaient
Et forgeaient leurs rêves
Sur l'image devinée de leur corps
Pour s'abîmer sur un ventre inventé
Tout chaud de la tendresse retrouvée
***
Il n'y a plus d'amour
Que le mot même
Que le mot même d'amour
Le même mot d'aimer
Une main qui tiraille l'écorce
Insurge le voeu
Caresse la mémoire
Une femme engloutie
Dans la pose toujours là
D'un rêve épars
Rempart irrépressible et le souffle d'un nom
Ombre tressée émoi
Le mot même
Quand tu n'aimes plus que le mot
Et ne sais que dire
Il n'y a plus d'amour
Que le mot même d'amour
Qui t'aime
***
FRAGILE
Ce ne fut rien qu'un geste
Passant du monde
Presqu'un regard
Une main à l'épreuve de vivre
Qui s'attardait dans une nuit de sable
Un poids d'éternité
Sur le ventre de l'eau
Aux frontières d'un seul corps
***
Rien n'est beau comme ta nuit
Eclairée d'un sourire
Le peu de temps pour la mort
Tu te pares fragile si belle
D'un corps au solstice du rêve
***
Ventre premier
Et le figement de la vague sur l'étoffe
Dans l'étreinte de ce lieu perdu que tu sais
La vigueur exige la patience de l'amour
L'urgence du souffle
La plus juste faiblesse
***
La Séparation
Tout au fond du corps, au plus reclus de la chute, il y a cette séparation irréversible el lancinante qui appuie sourdement sur la plaie, s'acharne dans le silence.
Il y a cet amour, ces mots qui souffrent et s'usent. Ces mots qui s'ouvrent comme des noix sur le dernier fruit. Et ce cri qui n'en peut dire d'amour et de mort.
Il y a cet arbre qui n'en finit pas de jeter ses branches jusqu'à l'arbre et des mains qui s'agitent comme des feuilles dans l'urgence, tout au creux de la voix. Dans la toujours dernière fois, Là où tu t'arraches et te dénudes.
Tout au fond du corps, il y a cette séparation qui te signe et te meurt.
***
Empreinte
Ce geste de la main vers l'aimée
Tout plein du blanc silence recueilli
Tout vrai du sang perdu de l'épreuve
Ce geste qui s'incurve
Et qui dessine cette béance
où nous nous aimons
L'irréparable séparation
***
Tu aurais tant voulu pourtant simplement réchauffer une nuit. N'être que cette plaie offerte au plus vrai du sang, au plus obscur de la chair.
N'être que cet épuisement pour un sourire de femme.
***
Tu n'es passé qu'ici
Sur le bord d'une peau
Dans l'exil fatigué
De qui voulait être au monde
Tu n'es passé qu'ici
Sur le bord d'une femme
Dans le creux d'un seul corps
***
Ici un nom
Le cercle des sens
Et l'échouage nécessaire
L'appel muet de ta parole
Qui n'attend pas même l'ombre d'une femme
Le sang versé de la nuit à l'amour
***
Cette déchirure de ton corps quand tu ne voudrais qu'aimer.
La nuit au fond du sang venue du plus loin de la peur.
***
Cet obscur désir
Le sourire fragile des femmes
Te bat la mémoire
Et tu te roules des nuits entières
Dans l'orbe humide de leur corps
Sur la caresse d'une peau d'une plaie
Séparé à jamais pourtant
De ce mystère ardent au fond des yeux
***
Solitudes
1
Solitudes un cri par-devers toi
L'instant où tu te sépares
Où tu te retrouves
Dans le nom de la terre
2
Un cri percé de toutes parts
Et le hurlement réuni de l'ombre blanche
Le rythme crispé des aveux
Et tes mains à genoux de l'amour
Qui pansent les plaies
Caressent un sourire sur le bord même d'aimer
3
Le corps béant prêt à la chute
Dans la soif exigeante d'une main
Dans la perte essentielle
4
La peau retient son souffle
La sueur s'immisce dans les méandres d'exister
Tu coules tes mots comme ton sang
Dans l'épreuve intime
L'éclaboussure des sens
***
Vacillante
A une passante
Ton visage ta voix le même drame
Ton sourire le même geste soumis au soir
Ta joie même poussait au bout de l'irréparable
Je suis passé en te voyant
En t'aimant j'ai passé mon chemin
Pour te garder toujours vivante au bord du rêve
et de mes lèvres
Dans l’ici de ce nom sonore juste effleuré
***
Partage
La caresse définitive qui erre
Qui ouvre le regard où tu t’abîmes
Qui lisse cette peau où tu échoues
L'étendue nacreuse où fondre la défaite
Et l'étreinte des mains
Sur l'épaule du jour
L'irrémédiable mur qui te soumet
te met à mots
Le partage pourtant
Dans la sueur et les signes
***
La tendresse dans l'ici jeté de 1a terre
Dans l'offrande du ventre
Dans la bouche des femmes
Une main se déchire d'appeler une ombre
De bâtir le partage incessant des peaux
L’insomnie répare la mémoire attise l'insomnie
***
Le nom de l'amour
Souffle fétide regard torve
La défaite harnachée au corps
Et cette coulure des mots
Sans prise jamais
Qui fermente dans le soir des yeux
Le nom pourtant même de l'amour
Comme une dernière chaleur
***
Cette blessure
O mon amour ma grande fatigue
A l'œuvre de la perte
Cette douleur même cette douleur attisée
Et le souffle de l'errance sur la peau
Le souffle lancinant
Cette solitude qui te noue à jamais
Seul ce rêve qui arrive encore au seuil
Coïncide à l'insomnie de nos ventres
***
...Pressés l'uni dans l'autre d'abolir l'absence
Le temps te traverse
Au plus bas de la voix
La nuit source sous la paupière
***
O mon amour mon étreinte ma séparée
L’absente de ma main
De cette main blessée qui bat le silence
Oui rappelle toute la sueur
A l'œuvre du monde
***
La tentation d'espérer
Pourtant un sourire dans la nuit
A n'y pas croire
Et cette épreuve des peaux
Qui imprime la pierre
L'hiver se givre dans la voix
Le feu avitaille le souffle
Tu retiens l'impossible dans la paume d'un rêve
***
La première blessure
Et ton nom même sur la peau
Comme une vraie fragilité
Et la force d’aimer
Ici en nul lieu
Atteindre simplement
Cette terre franche qui travaille
Dans l'étreinte des mots
Sous le givre des mains
...Cette terre prête à l'arbre
***
L'insomnie qui te rappelle au dernier jour
A la dernière fragilité
Une main aimante te retient au bord du gouffre
T'inonde d'une sueur partagée
Ton souffle se signe
Sur l'heure d'exister
***
A Françoise Fouillard
Cette ombre qui le montre où tu es où tu vas
Les mots qui fouillent ce massacre
Te rappellent à la nuit de ton sang...
Tu voudrais épaissir la peau
Retenir de tes mains percées
La sueur pressée de fuir
Et qui devance d'un nuage l'autre naufrage
Tu travailles la tendresse
Comme pour éteindre ces eaux qui bouent
Et qui t'enlisent
Le linge des baisers n'en finit pas de couvrir les fuites
***
Au fond il n'y a rien que la caresse
Que l'aveu de la caresse
Qui panse la peau fragile
Qui t'imprime dans la chair vive du regard
La caresse d'une main
A l'épreuve du monde
A 1'oeuvre de l'amour
***
Tu répares la peau
Tu arranges les fuites
Au plus pressé d'un nom
Au plus juste de la faiblesse
La caresse surprend la mort
Ravive le sang vers l'origine
***
Cette tendresse qui perdure, ici blessée, ici perdue. Ce don des mots à la plus belle, à l'absente à jamais.
L'amour, l'amour, la belle fragilité. L'instant de l'amour, celui de la mort. Dire aimer et mourir.
Je te déclare ma mort. Je suis nu devant toi.
Aimer et mourir simplement. Avitailler cette douleur sur le bord de lèvres.
Si tu savais comme le monde est vaste. Comme la peine est profonde. Et le cri sourd d’un amour au fond de la sueur.
Ne, plus retenir, ne plus qu’aimer. N'être que dans la perte première et l'adieu. N'être que ces mots qui passeront comme la nuit.
***
Douleur de mon amour
Et le poème travaille comme la terre
Friable dans la circulation des sèves
Dans la posture de la douleur
Tu partages incessant l’errance rageuse
Tu tiens dans la main ce dernier souffle recueilli
Qui fuit déjà entre tes doigts
Incurve la buée sur la vitre
***
Dans la main l’aimante même qui se meurt
Quand tu voudrais simplement épouser une terre
Enfin terre à venir de ton nom
Quand tu voudrais seulement
Fondre ici les mots de ta nuit
***
Au nom même d ‘aimer, tout au bord de l’abîme. Cette passion qui chemine.
***
Je dirai simplement les mots
Je viendrai au jour avec ce peu de terre
Et la promesse d’une fleur
Presqu’une larme dans le regard
Je viendrai au jour
Avec une poignée de courage
Il y aura tes mains
Et ce souffle après l’amour
Je dirai tout bas
Les mots premiers les mots pour vivre
Le silence retrouvé et la caresse pour raison
inédit
***
Tu es présente
Et j’aime ce hasard
Qui nous a mis face à face
A jamais
Je n’étais vrai que sur le bord
Toujours à deux doigts de vivre
Et de crier
Je partirai
Avec ton regard dans les yeux
Osant dire ton nom à jamais
A la face du monde
Osant dire l’amour qui brûle les mots
***
Tes larmes parfois
Comme la preuve même
Là où je ne tiens qu’à un souffle
***
Ton visage sur le bord du temps
Venu de très loin
Venu du dedans de toi
Ton visage qui m’oblige
A vivre enfin de la promesse
A souscrire enfin à l’aube des mains
Tu es là simplement comme le temps de vivre
Tu me réunis
***
Voix vive
Et ici le sang donné
Comme un appel
La sueur de l’échange
Sur le bord des lèvres
***
Cette certitude
Tu partiras un jour
Et ce sera le vent
Et ce sera le froid
Tu partiras nous laissant seuls à jamais
Toi et moi dans la nuit de vivre
Me laissant hagard au seuil de l’autre nuit
Et ma plainte n’aura pas d’échos
Et ma plainte se taira simplement
Contre les murs infinis de ma prison
Et le temps fera son effort de temps
Parfois même certains jours
Il m’arrivera de penser moins à toi…
… Ce sera alors d’une tristesse insurmontable
***
La dernière urgence
Quand ce sera la dernière fois de nous
Le dernier cœur à corps
La dernière urgence
Et que nous ne saurons pas plus qu’avant
Pas plus qu’après
Quand ce sera déjà après
Et que nous lèverons un peu la tête comme avant
Mais sans plus de foi
Mais sans moins de foi
Sans plus de courage qu’avant
Mais avec ce souffle vain
Une dernière fois
Nous rentrerons dans l’ombre
Dont nous n’étions jamais sortis
Autrement que par cet amour
Quand ce sera la dernière fois de nous
Quand ce ne sera plus que notre amour à jamais
Et à jamais fini
Quand ce sera la dernière fois de toi
De moi qui à jamais t’aimais
***
Il n’y pas d’amour mais pourtant ce point-là au dedans de nous. Ici même. Tout au fond du silence. Au plus creux.
Ne plus espérer que cet amour sans espoir.
L’amour n’est pas possible et c’est cela la force d’aimer
Aimer, c’est toujours manquer de mots. Aussi le poème d’amour n’est que l’ombre de l’amour. Il est le risque même. Autant dire l’impossible. Autant dire le seul poème.
***
Quand je vivrai à nouveau
Très vite bientôt
Je ne perdrai pas une minute
Oui sans perdre plus de temps que la vie
Jamais plus je ne perdrai ce temps perdu
A t’attendre infiniment
***
A Olivier Rougerie
Je ne sais pas écrire de poèmes d’amour
De poèmes de bonheur
Il n’est dans ma bouche
Que des mots crispés
Comme ma main sur elle
Mais pourtant cela même
Que je ne dirai pas
***
Aimer, c’est savoir qu’un jour, peut-être, l’amour aussi sera cendre. C’est cette fragilité, cette lucidité, qui constitue alors toute la force d’aimer.
***
Marie mare
Mon ange fauve
De passage entre mes bras
Il y a si longtemps
Depuis tout ce temps
Que je ne t’aime plus
Portes-tu encore ce nom d’aimer
Qui t’allait comme un gant
La vie a passé
Triste la vie qui passe
Comme un charognard au dessus de l’amour
Marie aimée de passage
Et qui ne promettait rien qu’un sourire radieux
Sous l’étreinte passagère
Et tu fus ainsi à jamais
Un très bel amour
***
Pas de « grands » poètes gonflés d’orgueil et de suffisance mais de vrais poètes à hauteur de terre. Est un vrai poète celui ou celle qui sait aimer. Les autres ne sont que de cyniques imposteurs.
Tu as tant donné à l’amour pour la poésie. Il te faut maintenant donner à la poésie pour l’amour.
***
Les Roches[1]
Je ne saurai jamais dire ce paysage entre terre et mer, entre glenn et mor, je ne saurai jamais non plus rendre compte de ce combat âpre, à d’autres heures, de l’eau et du roc. Cet écueil de l’écueil, cette sourde érosion. En fond de ce cliché, « Les roches », ce village qui, comme une mère, résiste patiemment à la furie des flots, à cette fenêtre ouverte sur l’abîme. Niché entre la vague et le mamelon il n’a de cesse de nous convoquer dans notre ici précaire et pourtant il inscrit comme une chimérique sérénité. Ce fut là dans la presqu’île de la Hague, petite sœur de ce Finistère tant aimé, le lieu d’un bonheur et d’une lucidité : ceux-là vont toujours par deux. Un lieu de clémence où nous aimions porter nos pas et notre rêve impossible. Le village se blottit, à jamais il se souvient de nous qui résistions aussi comme nous pouvions. Un parfum se tapit comme une caresse au cœur des pierres. C’était là, nous passions. Nous sommes passés. Nous…
***
Et alors seulement deux corps dans la nuit
Il n’y a que deux corps
Il n’y a que la nuit
Et nul ne sait vraiment si le jour reviendra
Mais ces corps se répondent
Avec des mots d’outre mémoire
Avec des mots de toute confiance
Et seule la nuit les entend
Qui laisse place à l’aurore
***
Et quand tu aimes
C’est le souffrir de l’autre
Qui te requiert
Comme une blessure que tu voudrais refermer
Pourtant si tu panses la plaie
L’autre n’est plus le même
L’autre s’efface
Comme une ombre soudain trop ensoleillée
Et tu n’as plus d’amour
Et tu n’as plus de mots
Plus même ce poème qui se murmurait
Dans la nuit de l’autre
***
Et quand tu aimes
Tu donnes tout
Tu donnes plus que tu ne peux donner
Tu donnes tant que ce n’est plus possible
Et l’autre est à nouveau blessée de cet amour même
Qui voulait consoler
Et avant que tu ne trouves
D’autres mots pour cette nouvelle blessure
Elle s’est séparée vers une nuit sans retour
***
Parfois on se dit
Qu’il faut du courage
Même si on ne sait plus au juste pourquoi
La peine n’a plus que le temps
De cet adagio lancinant de Barber
De ces notes arrachées au silence
Et on ferme les yeux
On essaie de tourner la page
De tenter d’oublier qui venait enchanter
Et qui donnait le sens
Parfois on se dit
Qu’il faut du courage
Même si on ne sait plus au juste pour qui
Même si on ne sait pas ce que cela veut dire
Du courage sans plus d’amour
***
Il me manque
La force de tes bras
Qui n’avaient pas de force
Et qui m’aidaient simplement
Et me poussaient plus loin
Au-delà de toute force
***
Notre amour n’eut pas d’enfant
Il ne fut que cet enfant de l‘amour
Un regard porté au-delà de nous
Très loin
Dans le sens retrouvé
De ceux qui simplement savent se donner
Savent aimer
Quand bien même cet amour n’aura pas de fruit
Dans cette terre promise
Où l’enfance et l’amour à jamais règnent
***
J’avais un rêve
Au fond de moi
Un rêve qui me tenait debout
Un rêve
Comme un cumulus dans un ciel d’été
Et le ciel alors est encore plus bleu de ce nuage
Presque un rêve de rêve
Tant il était pur
Tant il était haut
Tant il brillait
D’innocence et de franchise
De confiance partagée
J’avais un rêve
… Et le ciel s’est éteint à jamais
***
Un jour pour garder raison
Tu as brisé cet amour
Cet amour venu de si profond
Qui t’avait tant tenu debout
Et qui te faisait soudain vaciller
Tu l’as brisé comme un mauvais jouet
Tu l’as éparpillé en des milliers de petits morceaux
Et tu les as piétinés
Et tu as allumé un grand feu
Et la haine soufflait sur la braise
Et tu as réduit en cendre les dernières traces
Et tu as effacé la cendre avec tes larmes
Et cette force terrible avec laquelle tu brisais
Avec laquelle tu éparpillais
Avec laquelle tu piétinais
Avec laquelle tu effaçais
Avec laquelle tu incendiais
Avec laquelle tu pleurais
C’était encore la force de ton amour
***
Il est si difficile de ne plus aimer. Si difficile que c’est aimer encore que de ne plus aimer.
Il restera de nous ces mots qui peu à peu s’effaceront.
Et je n’aurai eu, un trop court instant, de sens que de toi. Jusqu’à un jour en perdre sens.
***
Il y a dans le monde
Quelque part
En cet instant même
Une femme qui dort
Elle est fragile
Et me rend fort
Simplement elle est présente
Et sa présence est devenue toute la présence
Une femme parmi d’autres sans doute
Mais elle est elle
Plus femme soudain que toutes les autres
Et s’arrêter près d’elle est un long voyage
Et tenir sa main tient lieu de raison
Et enfin pour l'instant un poème en prose écrit à partir d'un moment vécu à Saint-Lô dans le début des années 1990.
Rencontre
Un jour, une devanture de fleuriste dans une petite ville de province. Désœuvré, le marcheur s’arrête, distraitement. Soudain une fleur sidère son regard. Il finit par oser. Il entre et, pour continuer d’admirer cette inaccessible fleur, il commande une rose, rouge. Il règle puis offre simplement son achat à celle qui l’a servi. Sidérée à son tour, elle bredouille quelques mots. Il n’en a retenu que le trouble presque musical et le sourire qui les portait.
Il ne sait plus ce qu’il a dit, il ne sait plus même s’il a commis une seule phrase. Il est sorti, se retournant une dernière fois pour « fixer le vertige ». Travaillant dans cette même ville, il n’est jamais revenu dans le magasin, n’a jamais tenté de la revoir. Ne l’aura jamais effleurée.
Elle a gardé, peut-être, au plus intime de la mémoire cette rencontre plus belle d’avoir été, ainsi qu’un rêve, sans lendemain. Il n’est pas sûr que la rose rouge se soit fanée un jour.
Poème paru dans les Cahiers du sens en 2017© Guy Allix
[1] Les Roches est un petit village situé dans la pointe de la Hague (Manche) auprès du port de Goury. Texte écrit d’après une photo prise par un couple.