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Laurent Terzieff ou l’énigme de la voix

« Dire des poèmes, c’est organiser une rencontre de solitudes. »

Laurent Terzieff, Seul avec tous

Pour Jamila ce premier mot de ce que j'aimerais être un vers...

 

Tout d’abord, et bien avant le verbe, il y a la voix, espérance de ce poème qui la fera devenir dans sa propre évidence. De ce poème qui ne sait pas, ne sait rien, n’est avant la voix qu’un petit animal errant et toujours à deux doigts de mourir si on ne lui redonne le souffle de l’initiale quand se levait « le premier mot d’un vers » (Rilke). De ce poème qui n’est rien encore qu’un orphelin perdu dans le blanc de la page. Seul et pourtant plein d’une promesse de chaleur.

Avant le verbe, la voix, depuis le ventre et du fond des âges. La voix toute tendue d’attente, désireuse du désir même. Du premier vocable. La voix nue, avitaillée d’autres poèmes qui la livrent plus nue encore. C’est ainsi que se forge l’inflexion vraie qui ne saurait jamais être certitude mais juste ignorance quand « il faut être physiquement vulnérable au texte ». Oui, la justesse est à ce prix. Dans cette dernière simplicité, cette noble fragilité, cette heureuse dépossession. Pour lire la poésie, pour confirmer la vie. Pour aimer ici-bas.

Humble voix, résonnance terreuse. Comment, Laurent Terzieff, retrouvez-vous cette inflexion, cette nudité habitée qui porte les mots à incandescence, jusqu’en cette singulière chambre d’échos ? Où donc allez-vous chercher ce timbre de lointaine proximité ? Avec ce souffle, le poème explore ses entrailles, fouaille son propre secret. Il prend le temps de murmurer en nous, de bruire, de chuchoter. Et de retentir enfin jusqu’à réveiller une mémoire inouïe.

Vous aimez à rappeler cet aphorisme de René Char : « Les poètes savent faire surgir les mots qui savent de nous ce que nous ne savons pas d’eux. ». Paradoxe lancinant  et riche de « conséquences fertiles », nœud de cette inflexion secrète : là se profile diaphane tout le mystère encore, le mystère consenti sans lequel la liberté ne serait que leurre. Sans lequel la parole serait plus vaine d’être plus assurée. Sans lequel la voix serait plus sourde d’être plus lumineuse.

Le mystère partagé.  

« Non, il ne faut rien céder sur la poésie. »  (Laurent Terzieff, Seul avec tous)

Guy Allix,

 

texte écrit pour un hommage rendu à Laurent Terzieff au Printemps 2012