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Guy Allix, poète
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Poésie pour vivre

Cet article a été publié par les amis Georges et Nicole Drano dans une petite plaquette (Poètes qui êtes vous ?, n° 96, Les Carnets des Lierles, 2009) à l'occasion de ma venue à Montpeyroux pour une rencontre qu'ils animaient. Il me semble particulièrement lié à ce site qu'il évoque. Site auquel je dois pas mal d'ennuis du fait de gens sordides qui s'en sont servis pour me faire du mal et divulguer aussi, pour me nuire, des allégations mensongères. Mais site aussi qui m'a permis de tenir au moment où j'étais en train de m'effondrer et où je n'avais même pas droit à la compassion et à la simple humanité de ceux que j'avais par ailleurs tant essayé de préserver (1).

 

 

Poésie pour vivre

 

 

 

 

Il n’y avait pas de livres de poésie à la maison. Au mieux nous avions les prix que nous récoltions à l’école. Maman nous parlait juste du bon Hugo et de La Fontaine. Elle avait quelques rudiments d’une culture assez classique et s’amusa beaucoup lorsque ma sœur apprit la chanson des escargots qui vont à l’enterrement de Jacques Prévert. C’était une révolution à la fin des années 50 ! Chantal lisait malicieusement le titre et l’auteur sans mettre de pause entre les deux, ce qui ajoutait à la fantaisie. Je ne sais si ces gentils gastéropodes suivirent le convoi funèbre du grand frère Jacques mais je suis sûr qu’ils aiment brouter les fleurs déposées sur la tombe rebelle par les petits écoliers d’Omonville. Plus tard mes premiers poètes s’appelleront Brassens, Brel, Ferré. C’est leurs chansons qui modestement m’ont poussé à écrire et à lire.

 

 

Je crois qu’il était utile de rappeler cette originelle coupure avec la poésie, avec les livres de poésie, pour comprendre un peu ensuite le sens de ma démarche de militant des muses : je ne serai jamais un poète de salon et j’emmerde plus ou moins cordialement ces petits intellocrates qui paradent dans leur suffisance bornée. J’ai les pieds crottés et pour moi transmettre la poésie c’est toujours s’adresser à tous. Comme Cadou, je ne conçois pas la poésie « sans un miracle d’humilité à la base ». Oui, c’est là le sens qui relie les diverses actions que j’ai pu mener et que je rappelle ici.

 

 

Il y eut d’abord la chronique « terre des poètes » dans les années 70 à Ouest-France. L’ami Pierre Berruer m’avait introduit comme pigiste sans pige dans la rédaction et j’ai pu faire découvrir ou redécouvrir aux lecteurs des poètes aussi différents que Follain (dans un dossier auquel collaborèrent Char, Guillevic, Jouanard …), Giovannoni, Chedid, Marie-Josée Hamy, Bruno Sourdin etc. C’était là, si l’on veut, de la « vulgarisation » (le mot, quelle qu’en soit l’étymologie, est noble) avec la loi du genre et les limites imposées par les journalistes qui regardaient avec condescendance ce petit néophyte. Collègues envieux toutefois de mon imposant service de presse !

 

 

Dès le début des années 80, je fuyais dans un « news » lancé par un de ces anciens « collègues » : « Normandie Magazine ». J’y interviewais le grand Senghor et continuais à présenter les poètes de la région. Je me souviens y avoir même présenté des poètes qui n’avaient encore jamais publié… ainsi mon ami Ghislain Gondouin. Cependant il faut bien avouer que la poésie était la dernière roue du carrosse. Il y eut des numéros où j’obtins plusieurs pages (si, si !) et il y eut des attentes de plusieurs mois qui aboutirent à une démission pas même déclarée (s’en est-on aperçu ?).

 

 

Et puis il y eut le « métier ». Comme j’ai coutume de le dire, il y a des professeurs qui deviennent poètes et des poètes qui deviennent professeurs. Je fais partie de ces derniers et j’y tiens. Je suis rentré dans la profession tardivement après avoir exercé mille emplois et pas mal vagabondé dans mes études buissonnières (J’ai passé le bac en candidat libre à 22 ans et, ensuite, je fus toujours étudiant salarié et « dispensé d’assiduité »…). Là encore une différence notable : celui qui a assisté à ses premiers cours en année de licence (et à plus de 25 ans !) ne fait pas partie du sérail.

 

Une expérience notable a marqué ma carrière de professeur. J’ai fondé en 1986 un « club poésie » au collège Lavalley de Saint-Lô. Il s’agissait d’abord de faire lire, écrire et aimer la poésie. Une petite revue : « Lavalley du poème » vit le jour, photocopiée à quelques centaines d’exemplaires. Elle eut des abonnés prestigieux : Guillevic, Gilles Perrault, Andrée Chedid etc. et se lisait même en Belgique ou au Maroc. Les « petits poètes » devinrent un peu les vedettes du collège, habitués des chroniques de la télévision et de la presse régionales. Ils purent rencontrer aussi de « vrais poètes » (« ah bon ça existe encore ? ») : Siméon, Maxence, Labrusse, Dhainaut, Bencheikh, le professeur Jean Bernard etc. Les élèves tutoyaient les poètes invités lors des réunions publiques ; ce qui scandalisait de petits profs étriqués (chouette !). Ai-je formé ainsi des passeurs de poèmes, des « adeptes bouleversés » ? Je n’aurais pas la prétention de l’affirmer mais quand je rencontre une ancienne de mes têtes blondes il y a une chaleur et un sourire qui ne trompent pas. Au moins savent-ils maintenant ce que peut être la poésie partagée et je ne pense pas qu’ils puissent jamais la trouver « ringarde ». C’est déjà ça.

 

 

Aujourd’hui, je suis devenu un « webmaster » comme on dit. Je l’avoue : ce fut d’abord pour me faire un peu connaître, moi qui fuyais depuis tant d’années les réunions de toutes sortes, j’étais devenu un « poète trop effacé », comme l’affirme mon premier éditeur. Mais, très vite, mettre ma biblio, quelques textes et ma triste bobine en ligne ne me suffit plus. J’accueillis mon éditeur et maître Rougerie (pas de prénom pour ne pas fâcher…), un ami peintre, un poète puis un autre puis encore un autre… Je mis ainsi en place une « anthologie subjective » (au diable les compilations !) : à ce jour plus de 50 poètes que j’aime en dépit de différences parfois sensibles. Et les visiteurs se sont comptés par milliers en un an. Car je vais souffler la première bougie de ce site qui affiche aussi ses billets d’humeur et même de très mauvaise humeur : je resterai, j’espère, « irrécupérable » selon le beau compliment de Jean-Luc Maxence.

 

 

C’est avec ça que je résiste comme je peux. J’ai même ouvert une page de poèmes pour enfants, très visitée elle aussi, et une amie m’a fait un fort joli compliment en me disant que ce site se lisait… comme une revue. J’ai l’impression d’avoir bouclé la boucle, de me réunir en quelque sorte.

 

 

Et puis je me dois de le dire : « guyallix.art.officelive.com » (ouf !) m’a sauvé des eaux. C’est en effet au plus profond d’une affreuse dépression que j’ai créé, malgré tout, une page puis une autre page… jusqu’à me relever à une heure « normale » et retrouver un peu de sens.

 

 

Ce n’est donc pas pure philanthropie ou excessive générosité, croyez-moi !

 

 

Enfin dernière mue en date : un ami pianiste m’a lancé sur un projet de scène. Je lis mes textes et d’autres peu à peu  sur un fond de « jazz celtique ». Là encore la boucle est bouclée puisque je rejoins, à mon humble façon, les chanteurs-poètes qui ont marqué ma jeunesse. Sonne alors pour moi une évidence. Les poèmes furent d’abord chantés et écoutés. On l’oublie trop souvent. Je pense que cette dimension sonore est essentielle si la poésie veut retrouver enfin ce que j’appellerais sa juste audience.

Guy Allix

 

1) Ainsi en décembre 2007, alors que ma santé donnait des signes inquiétants, j'ai envoyé une lettre recommandée aux deux personnes auxquelles j'étais le plus attaché pour les avertir de cet état. Je n'eus jamais la moindre réponse. Odieux ! J'étais en fait en dépression et seule la présence et le soutien sans faille d'un être merveilleux (quelques qu'aient pu être les suites de cet amour martyrisé par l'infâme (2)) m'ont permis de tenir et de ne pas... aller au pire. J'ai aussi pensé au terrible remords qui s'ensuivrait pour ceux que j'avais tenté de préserver jusqu'à ma propre ruine... et que je tentais encore ainsi de préserver en restant en vie... Je plains sincèrement ceux qui ont pu ainsi les manipuler.

Le site m'a permis de me relever un peu plus tard. Oui, poésie pour vivre ! Poésie contre l'ignoble !

 

2) et j'essaie de donner sens aujourd'hui, 28 juin 2013, à cette vie préservée par le meilleur d'un amour.

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