Survivre et mourir
Guy Allix
Survivre et mourir
Un recueil de poèmes de 120 pages
Editions Rougerie
« Ces mots de Solitudes fulgurent avec toute la force de la sensation. Sans doute pour cela, faut-il « ne pas savoir les mots », les faire surgir du corps et de la douleur, Ce recueil est très beau et la préface de Noël l'accompagne de façon juste. »
Annie Ernaux. lettre
« Merci, cher Guy Allix, pour ces nouveaux poèmes. Oui, ils vont m'accompagner. C'est bien que vous gardiez ainsi vivante la parole, malgré la solitude où elle se trouve si souvent aujourd'hui. Je vous dis toute mon attention. »
Yves Bonnefoy. Lettre
En ce début de vingt-et-unième siècle, Guy Allix demeure, me semble-t-il, un créateur assez irrécupérable. […]
Ce qui nous attache à l'ensemble de l'œuvre de Guy Allix, c'est sa clarté, sa cohérence, sa « lisibilité » presque constante, une franchise absolue si rare aujourd'hui, perpétuelle tension qui ne cesse jamais de cracher le désespoir à la hâte.
Guy Allix n'a besoin de nul salon littéraire pour imposer sa voix, sa conviction.
Nous n'avons jamais cessé, quant à nous, de répéter à qui veut l'entendre: «Ce chemin d'humilité est celui des plus grands». Désormais, nous ne sommes plus seuls à le prétendre.
Jean-Luc Maxence, monographie Guy Allix
Lire des extraits en fin de page
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Guy Allix
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76000 Rouen
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L’homme sans passé
Comme un linge trop mûr
Qui dit à peine
Qui ne dit plus
Celui à qui l’on murmurait
Tu n’existes pas
Celui à qui l’on a crié
Tu n’existes plus
Comme un linge trop mûr
Et pourtant sans passé
Sans plus de promesse même
Que ce passé défait
Que cet impossible passé
Sans plus d’horizon
Que cette dernière défaite
***
Extraits
A Sapho
1
Un jour sera
Le battement des paupières
A même la peau
Tu prendras ton sang
Dans tes mains
Pour sculpter un second souffle
2
Il faudra passer à la fièvre
Oser ce silence
Où les mots remuglent
3
Oser le peu pour dire vrai
4
Pourtant la soif d’un incendie
Nichée au creux de tes reins
Comme un instant de plus
Un instant consenti
Ces instants de passage
A Jacques Bertin
Il n’y a rien parfois
Que le froid de la peau seul
Presqu’au vif de la nuit
Tu regrettes les caresses
laissées pour compte
Ces caresses douces
Et qui durent jusqu’au jour
Ces instants de passage
***
Cette certitude
Tu partiras un jour
Et ce sera le vent
Et ce sera le froid
Tu partiras nous laissant seuls à jamais
Toi et moi dans la nuit de vivre
Me laissant hagard au seuil de l’autre nuit
Et ma plainte n’aura pas d’écho
Et ma plainte se taira simplement
Contre les murs infinis de ma prison
Et le temps fera son effort de temps
Parfois même certains jours
Il m’arrivera de penser moins à toi…
… Ce sera alors d’une tristesse insurmontable
***
Le maître
Il n’y a rien de vrai
Que ce temps qui passe
Et nous pousse
Indomptable maître
Il n’y a pas même ce pas pressé
Pas même l’attente d’un instant
Demain déjà passé
Et le verbe sans souffle
Et le verbe sans heure
Tout au bout du temps compté
***
Effraction
1
Il s’en faut toujours de peu
Mais venir jusqu’à terre
Là où le fleuve s’insurge
Où la lave s’apprête
2
N’écrire ne vivre
Que dans l’effraction
Là est la seule demeure…
Passagère
3
Tu ne seras que là-bas
A terme
Dans ce dépôt de toi
Jeté sur l’horizon
Dans l’espace de ce dedans
Qui n’ose le présent
Dans l’espace de ce magma lourd
Qui t’affole et te crispe
Et te rend à ton silence
***
Mourir un peu
A Sylvie Germain
« Effeuiller le verbe mourir ainsi qu’une fleur des champs c’est mettre à nu son propre cœur » Sylvie Germain
1
Le sang fidèle
Et creuser la terre et le ventre
La dernière chaleur
Crépuscule
Et tu commences ton regard
La fin plus proche d’un jour
2
Il n’en faut pas plus
Que ce souffle qui s’épuise à tous vents
Et désespère le souffle
Le silence se fige au cœur du temps
Le peu de toi tout au bord de l’irréparable
3
Laisser couler le soir
Sur les épaules lentement
Comme un dernier confort
Et applaudir aux cendres à venir
4
… Et ce rire étranger
Comme une grimace fauve
Exulte le non-sens à l’œuvre sous ta peau
***
Articles sur Survivre et mourir :
Guy Allix : SURVIVRE ET MOURIR (Rougerie)
"La formule est grave. Guy Allix n’y va pas par quatre chemins. Il situe son poème, sa quête ultime là même où la mort s’origine, c’est-à-dire plus ou moins dans les contrées obscures du ventre, qu’on porte, qu’on ressent vaguement et qu’on ne contrôle pas. Il rejoue à la limite de l’écœurement la fin, metteur en scène jamais satisfait. Et pour être plus précis, sa fin. C’est aussi lui l’acteur, le héros. Avouer en un dernier souffle cette vie inachevée Guy Allix se positionne déjà au bout. Dans une appréhension anticipée, à la fois anxieuse et lucide du moment du passage terminal. Tout ce qui précède n’est qu’une tentative vaine pour repousser ce transfert final. Il prend cependant une forme, unique, pour supporter cette attente absolue : l’amour. Celui-ci n’est pas une garantie d’une survie paisible, bien au contraire. Les interrogations légitimes sur la mort se doublent de celles sur l’amour, les premières dans les mystères de l’énigme éternelle, les secondes par les affres de la sincérité et de la certitude. Ainsi voisine-t-on le paradoxe Nous rentrerons dans l’ombre / Autrement que par cet amour / Dont nous n’étions jamais sortis L’autre rempart contre cette mort ultime à l’œuvre infiniment c’est l’écriture, le poème qui permet de poser la lutte, la résistance contre la chaos qui envahit doucement le corps et l’âme. Elle tient journal, bilan des comptes de la vie, constat des avancements. J’attends le temps On indique consciemment la procrastination assumée : Remettre à plus tard ce que tu ne feras pas Amour et écriture sont peut-être des parades inutiles mais que faire dans l’expectative totale ? Pauvre Candide, tu attends vainement que ta vie soit achevée pour en finir C’est le risque, mais comment faire autrement ? Guy Allix pose les questions cruciales, il mène sa quête au plus aigu, au plus coupant, au plus vertigineux, une manière extrême de différer le désastre."
Jacmo ("Décharges" n° 151)
15 euros. Mortemart 87.
Points de vue
par Eliane Biedermann, Bruno Geneste et Marie-Josée Christien (Spred gouez n° 17)
Guy Allix : Survivre et mourir, Editions Rougerie
(ISBN : 978-2-85668-156-5 ; 112 pages ; 15 €)
Le poème, viatique pour survivre
L’auteur pose le problème obsédant : comment vivre notre existence alors que nous avons pleinement conscience de son issue fatale ? Comment vivre en acceptant notre finitude, en sachant qu’un jour tout va s’arrêter pour nous, comment vivre avec cette blessure en chacun de nous ? « Et pourtant cueillir un simple galet sur la plage comme un fruit mûr de l’été. Comme un espoir, une accalmie. Comme un jour de plus après la vie. »
La poésie nous permet de continuer à vivre à travers l’écriture : « Insaisissable instant saisi / Et qui donne / La mesure de l’espace / La mesure de l’amour / Le poème une goutte et le sang ». Le poème, et l’amour qui permet de vivre dans le regard et la mémoire de l’être aimé, bien que les instants d’amour soient aussiéphémères que nos vies.
La poésie de Guy Allix baigne dans un sentiment d’amertume, un mal de vivre qui caractérise notre condition humaine imparfaite. Elle reflète notre aspiration à un idéal probablement inaccessible : « L’effraction toujours au cœur de la langue / Comme l’indice d’une impossible prière / et parfois le prodige d’une lettre / Au solstice du poème / A l’épreuve d’un corps épuisé ». L’auteur sait trouver les mots exprimant notre soif d’absolu qui se manifeste si bien dans le silence du poème.
La tragédie du temps qui passe est une des sources de l’écriture. La foi, c’est avant tout pour Guy Allix, de « croire jusqu’au dernier instant au miracle d’un mot » et au « rêve d’un poème » . C’est le viatique que nous devons emporter pour « survivre ».
« Si ce n’est le sang aux tempes / comme un souffle vain / Si ce n’est la paupière / sur l’épaule d’un jour / Si ce n’est le fruit / comme un œil fatigué / C’est alors le dernier mot / sur le parchemin de vivre »
Une parole jetée au plus près des marges
Je dois dire que ce livre m’a ouvert au souffle d’une parole puissante et rugueuse dont le rhizome vous pénètre jusqu’à l’os : tu viens de ce cri/ de ce corps dévoré par les mots. Guy Allix porte haut le poème, habite ce cri sans mémoire, le frotte aux parois du réel, aux limites des signes écrits, là où le blanc surgit d’une ombre, aux seuils des solitudes : il n’y a rien parfois / que le froid de la peau seul/ presqu’au vif de la nuit. Nous continuons à traverser ce recueil sous les feux d’une lumière de vent avec des mots éprouvés, frottés à la pierre simple des chemins : A fleur de vivre/ au bord des lèvres/ ces mots humbles/ dans la main donnés/ par la main offerts. Il y a chez Guy Allix la candeur d’une blancheur remuée, un horizon comme une île infiniment/ comme une île tout au bord. On sort de ce recueil apaisé, l’esprit nu car plus perméable au monde sensible, à ce qui palpite derrière le visible dans un autre temps : plus loin que la nuit/ Où tu explores l’abîme/ l’insondable/ la chute. Le poète avance sans bruit porté au centre tumultueux du poème où vient battre le silence de la terre, l’énigme de notre présence, cette douleur parfois vive, inapaisée.
Tu t’enroules dans l’oubli/ Tu déclines le dernier nom/ A l’infini de l’instant passé. Le temps coule dans le jour, l’espace où surgit la beauté va mourir parmi les pierres d’eaux errantes pour rejaillir plus loin : Un jour/ il n’y aura plus de temps/ Et ce sera le temps/ Un jour il n’y aura plus de temps/ Et ce sera le jour. Nous habitons ces textes qui se dénouent au fur et à mesure de leurs surgissements, par un geste, un mouvement de lèvres, une parole jetée au plus près des marges : laisser encore quelques vaines empreintes…/ Même si le souffle est consumé/ Tu restes tout au bord/ tu hésites le dernier pas.
Bruno Geneste
Au plus près de la vie
A quoi tient l’aimantation des textes brefs et denses de Guy Allix ? Il y a quelque chose de vivifiant à le lire, tant il se tient « au plus près de la vie », « aux aguets des mots » dans l’humble clarté de l’écriture, simple et ardente, foudroyante de nécessité, où naïveté et lucidité cohabitent. Survivre et mourir ne prend pas sa source de l’eau claire mais de l’éclat noir de la nuit.
C’est avec l’œil et le cœur aux aguets que j’entre dans « Ce silence / A partager / Au plus obscur du jour ». Les mots se tiennent serrés, habitent la gorge, le corps, vibrent d’une tension tragique, imprégnée du feu, dans un silence hors du temps. Son poème précis, concis, sans excédent, rayonne de noirceur où se dévoilent des fulgurances.
Dans une lente remontée non linéaire, Guy Allix, désenchanté, insurgé, s’aventure au bord de lui-même. Discrètement mais impérieusement, il s’extrait avec clairvoyance de ce jeu de dupes où le paraître l’emporte. L’humble lueur du poèmele tient debout et le retient parfois au bord du vide. «Se tenir simplement aux aguets des mots / quand se risque la vie », murmure-t-il, « vouloir le poème comme la seule promesse ». Tourmenté de bout en bout par une « vie in-vécue » qui le déchire, il n’obéit qu’à l’injonction éruptive de l’intensité. Il veut « croire jusqu’au dernier instant au miracle d’un mot ».
Sa voix traverse une méditation anxieuse, impudique, noire et incandescente, chemine vers la mort, thème majeur de son œuvre. Mais la mort, « comme une illusion de vivre », n’a rien d’un thème abstraitement convoqué. Sa blessure, son murmure frôlent ici plus que jamais le silence et la solitude. Dans les moments nus marqués par le tragique, la force errante du vent convoque une parole de frissons et d’autres forces en turbulence. Surgit alors dans un éblouissement une expérience autre de la vie, à la fois physique et métaphysique, dans un rapport sensuel à la terre et à l’humus, où Guy Allix est totalement présent à ce qui est, s’ouvre à l’essentiel, attentif à la respiration et au souffle. « L’arbre (le) recommence ».
Dans le vent les songes la pulsation obstinée de leur houle, « l’écriture comme un regard », le poète se livre humblement, dans une douceur suspendue, au primat du réel, à l’instant de sa présence, dans un équilibre fragile entre l’écoute de soi et la captation du monde, entre le don et la réception, entre le détail et l’essentiel. L’instant est donné dans son intemporalité. Poussé par l’urgence dans sa nudité métaphysique, il se régénère à la vigueur du vent et du souffle. Vent et souffle, au singulier ou au pluriel, sont les mots les plus présents (27 fois) dans le recueil, tout comme terre (24), vie (25), vivre (13)… loin devant mort (12) et mourir (7) comme une lecture trop rapide pourrait le laisser croire, tous mots essentiels d’ici au moment d’« oser le peu pour dire vrai » .
Les saveurs et les douleurs primordiales de la vie se tiennent ici inextricablement enlacées. Dans l’alchimie subtile de son pessimisme naturel passe une énergie qui me réveille et me tient en émoi et en éveil, quand « parfois il y a presqu’une aube / la mémoire comme un rêve à demi-mots ». Survivre et mourir est un livre rare qui mêle la réalité la plus cruelle à l’espoir malgré tout, un livre qui aide à prendre refuge dans ses tremblements et ses replis, un livre qui m’est désormais essentiel.
Marie-Josée Christien
http://chronique.litteraire.free.fr/?p=670
Les cendres à venir.
Lecture de Survivre et mourir, de Guy Allix.
Pleurer la chute. Chute solaire, vécue au ralenti… Reste à saisir les instants de feu, les instants de cendre, puis les instants, infinis, où il n’y a rien.
Attraper les minutes de douleur fulgurante, celles où l’on existe encore. La vibration de la vie, le chant des choses, le vif du cœur.
Le poème ou la cendre. La cendre de l’amour ou la vie…
Le recueil de Guy Allix est placé sous l’égide, juste, de Saint Augustin : « Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui perd sa passion. » Ses poèmes sont aussi une histoire, un parcours. Récit de l’homme qui accepte la chute. Récit du poète qui enchante l’instant suspendu. L’écrivain qui prend le risque de la vie et du temps, lorsque le temps même « s’affaisse comme un linge perdu ». Devenu Icare, le poète ressuscite l’instant amoureux, « l’instant consenti ».
« Il y aura le temps de mémoire
De mensonge parfois
Le temps si court d’exister encore
Et puis viendra peu à peu
Le temps de l’oubli
Infini. »
Ce recueil est l’histoire d’une âme. On l’entoure de silence. Elle vibre, palpite, résiste, « dans la nuit de vivre ». On l’écoute.
Et ne rien ajouter…
« Je ne sais que cette voix qui ne sait pas
Et qui s’insurge
Et qui crie malgré tout
De dépit et de rage. »
…que la voix de Beckett :
« Cette voix qui parle, se sachant mensongère, indifférente à ce qu’elle dit, trop vieille peut-être et trop humiliée pour savoir jamais dire les mots qui la fassent cesser, se sachant inutile, pour rien, qui ne s’écoute pas… en est-elle une ?
Elle n’est pas la mienne, je n’en ai pas, je n’ai pas de voix et je dois parler, c’est tout ce que je sais, c’est autour de cela qu’il faut tourner, c’est à propos de cela qu’il faut parler. »
Gwenaëlle Ledot
Bel article de l'ami Michel Baglin :
Guy Allix :
« La vie ne suffit pas à la vie. Jamais ». Avec des « mots qui giclent dans l’urgence », Guy Allix dit une nouvelle fois l’absurdité et la passion de vivre dans son recueil, « Survivre et mourir », paru chez Rougerie.
Lire la suite :
http://revue-texture.fr/spip.php?article450