Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Guy Allix, poète
Guy Allix, poète
Pages

Le petit coin des poètes





 

 

  

 Petits billets sur les "confrères" et "consoeurs" poètes et petites nouvelles de la poésie !

 

J'ai le grand plaisir d'accueillir dans cette rubrique l'ami Jean-Luc Pouliquen qui vient de publier cet article très juste, "Les deux chemins", dans la revue Spered gouez.

Je souscris entièrement au propos qu'il tient. Une analyse très lucide de la situation. 

En écho vous trouverez à la suite un article "Le temps des marchands", article plus violent mais construit sur le même constat, que j'avais moi-même publié dans l'avis de tempête de Spered gouez en 2014.

Et sur un mode plus comique le texte concernant la création du "D.U.T. poète professionnel".

Ainsi que le compte rendu (pas vraiment caricatural...) d'une conférence prononcée par un... poète professionnel. ;)

           

 

Les deux chemins

 

     Il y a plusieurs chemins qui mènent à la poésie. Les poètes ne peuvent tous suivre le même parcours. La poésie, c'est la diversité de la parole et de la manière de la porter. Pourtant il y a quelque chose qui me chagrine et m'irrite parfois, quelque chose que je ressens depuis quelques années et qui dessine une ligne de partage dans le petit monde des personnes qui écrivent.

     Il y a tout d'abord ceux qui avancent à la manière des poètes qui les ont précédés. Ils appartiennent à une communauté qui a un mode de fonctionnement que l'on peut qualifier d'organique. Les plus anciens ont décelé chez eux un talent, une aptitude à rentrer dans la famille ; leurs pairs, des affinités qui ont conduit à la formation de groupes, à la création de revues pour traduire leur apport spécifique à la grande aventure du langage. Tout cela est vécu en parallèle d'une activité professionnelle qui leur amène subsides et indépendance quant à leurs choix de création.

     Et puis il y a ceux qui fonctionnent en lien avec un système qui n'a cessé de se développer ces trente dernières années mais qui aujourd'hui commence à s'écorner sous la pression des restrictions budgétaires. Ce système repose essentiellement sur de l'argent public venant des différents étages de l'organisation politico-administrative française (mairies, communautés de communes, départements, régions, État). Il se matérialise sous forme d'établissements spécialisés dans la défense de la poésie, de bourses, de subventions, de résidences, de festivals, de label et autres initiatives car il est en perpétuelle évolution.

     Entendons-nous bien, ce système peut rendre service à la poésie et des poètes de la première catégorie peuvent y avoir recours. Ce qui irrite, c'est qu'il donne l'impression d'avoir engendré une nomenklatura qui se l'est approprié, en tire des revenus et l'a complètement verrouillé. Il en résulte alors un sentiment d'injustice. Pourquoi tel poète et pas un autre ? D'autant que l'institution garde son pouvoir de reconnaissance et de légitimation.

     Et puis il y a cette évidence que l'argent public étant celui de tous, il ne doit pas soutenir une faction mais bien la pluralité de la vie poétique du pays, rendant à chacun la part qui lui revient. A contrario il devient le promoteur d'une esthétique, celle de cette nomenklatura dont l'allégeance qu'elle a manifestée envers le système est allée jusqu'à influencer son écriture même.

     Nous nous situons là dans l'instant présent, dans la juxtaposition des deux attitudes, laissant penser qu'il y aurait un vainqueur et un vaincu, celui qui est écarté et le privilégié qui a été choisi. Ce serait bien sûr une illusion de le croire, ce serait nier l'ambivalence de toute chose en ce monde qui veut que la réalité ait plusieurs visages. Et le dire n'est pas chercher une consolation à bon compte. C'est le passage du temps sur les œuvres qui nous amène à le penser.

     Il y a des fondamentaux de la création littéraire : la nécessité d'authenticité, de liberté, d'indépendance, le souci de ne pas plaire mais d'affirmer son propre langage, indépendamment de toute mode et de l'air du temps, ce qui conduit souvent à être en butte avec son époque. Les œuvres qui auront répondu à ces critères résisteront à l'oubli, il est facile d'imaginer ce qu'il adviendra des autres...

     Alors si le citoyen peut se sentir frustré devant ce qu'il perçoit comme injuste et inéquitable dans l'utilisation des deniers publics, le poète qui a maintenu le cap, trouve satisfaction à être resté fidèle à ses convictions profondes. Certes il ne sait rien de ce que deviendront ses écrits mais ils lui auront fait vivre des moments de grande intensité avec lui-même et ceux qui auront été à ses côtés dans cette belle aventure. Au fond, n'est-ce pas le plus important ?

Jean-Luc Pouliquen

Auteur de Fortune du poète (avec Jean Bouhier)

 et de Paroles de poètes/Poètes sur parole (avec Philippe Tancelin)

***

Avis de tempête / Taol kurun

 

Le temps des marchands

A la mémoire de Pierre Barbéris

« La poésie qui triomphe aujourd'hui est emmerdante ». Ce jugement à l’emporte-pièce est de Michel Onfray. Je ne suis pas forcément un fan du personnage mais j’avoue, quitte à en choquer plus d’un, que je partage assez cet avis.  Bon chacun ici pourra savoir qu’il y a des poètes contemporains que je défends ou que j’ai défendus sur mon site ou dans des chroniques diverses, ce même si j’ai pu me tromper, au moins une fois, mais je n’ai pas été le seul à être abusé par l’imposture. Fondamentalement « la poésie qui triomphe aujourd’hui »  n’est plus habitée ou trop souvent quand elle semble l’être c’est faussement. « Poésie d’ameublement », dirait l’ami Gérard Cléry, quand à défaut de réelle émotion ou de réel amour, on n’en a plus qu’un simulacre obscène. Ou encore foutage de gueule, élevé au rang de grand art. On pourrait s’en prendre à la vague formaliste. Si ce n’est qu’elle a échoué depuis longtemps et a laissé finalement la plage libre. Il y a autre chose. Vraiment. Pendant longtemps j’ai considéré le poète comme un prince, un prince noir tel que mon grand maitre Pierre Barbéris, qui vient de mourir, en dressait le portrait dans Le prince et le marchand. Oui, il y avait là de la noblesse puisque, après tout, beaucoup de… gratuité. Et je n’ai pas changé d’avis. Cependant force est de constater que le prince a cédé la place au marchand. Autrefois, et il n’y a finalement pas si longtemps, le poète écrivait simplement. Il cherchait bien à publier, ce qui parfois certes pouvait entrainer de vagues compromis… qui n’étaient pas pour autant des compromissions. Mais enfin écrire était l’activité du poète, obligé par ailleurs pour subsister, mais aussi pour vivre vraiment et simplement parmi les hommes, de concilier l’écriture avec un « métier » et cela n’était en rien déshonorant,  tout au contraire. Car de métier de poète il n’en existait pas, fort heureusement ! Sauf au sens où Boileau pouvait l’entendre. Aujourd’hui le poète s’est fait marchand donc ou pour le dire autrement : commercial. Il passe sa vie à ce métier qui consiste à placer ses petits poèmes : résidences d’auteurs, ateliers d’écriture, conférences vaguement improvisées, lectures non préparées où l’on se contente de tourner les pages d’un livre, poésie-spectacle reposant sur des pitreries verbales, tout cela fort bien rémunéré dans la « société du spectacle » justement… par nos impôts via des subventions d’état ou autres bourses. Et notre « professionnel » n’a plus le temps de remettre cent fois l’ouvrage sur le… « métier ». Il multiplie les recueils bâclés comme il multiplie les intrigues et les magouilles et les combines. Il faut se placer coûte que coûte et plus rien n’est gratuit. Celui qui « consacre sa vie à la poésie » (comme d’aucuns croient) alors ne consacre de fait sa vie qu’à son immense ego, quand bien même il promeut d’autres poètes… qui le lui rendront bien. Il la consacre même, sa vie inhabitée de vraie vie, à une quête éperdue de… l’argent. Il devient alors simplement un poète commercial, pardon pour l’oxymore. Et s’il sacrifie quelque chose (au goût du jour…) c’est la poésie elle-même. Poète à la mode. Pardon encore pour cette manière d’oxymore… La modernité réduite à la mode bien loin du vœu de Rimbaud pour qui la poésie se devait d’être « en avant ».

Bien loin en tout cas de ce que je considère toujours comme l’éthique de l’écriture nécessairement libertaire et incorruptible.

Oui, quand la « poésie », comme l’« art », est devenue un marché, le « poète », comme l’« artiste » n’est plus qu’un habile marchand. Comme Marie-Josée Christien le suggère (Petites notes d’amertume), il ne vit plus « en poésie » mais il vit « de la poésie ».

Et le prince noir dans sa solitude féconde attend le retour du jour.

Guy Allix

***

Nouveau diplôme :

Enfin un Diplôme de poète professionnel !

 

Enfin le Ministère de l’Education nationale et celui de l’Enseignement supérieur ont comblé un manque énorme en créant un nouveau diplôme : Le D.U.T de techniques commerciales, option « Poésie professionnelle ». Certains avaient d’abord pensé, dans les ministères concernés et ce en lien avec le Ministère de la culture et de la communication, inscrire ce diplôme dans les études de lettres ou encore dans les arts du spectacle. Mais la raison l’a emporté : l’activité du poète professionnel est d’abord une activité commerciale, en attestent ceux qui la pratiquent aujourd’hui.

Point besoin d’une grande culture littéraire. Le poète professionnel doit d’abord savoir gérer sa petite entreprise, savoir trouver de nouveaux marchés, savoir placer ses poèmes, savoir rédiger des factures etc. Il doit connaître au mieux les techniques commerciales qui seront donc enseignées en D.U.T techniques commerciales option poésie professionnelle : Négociation vente,  Mercatique,  Comptabilité,  Etudes et recherches commerciales, Approche des marchés étrangers, Droit et commerce, Distribution, Stratégie qualité, Gestion financière et budgétaire, Communication commerciale, Mercatique stratégique, Stratégie distribution, Gestion de la relation client, Maths appliquées aux produits de la poésie, Problématiques économiques appliquées aux produits de la poésie, anglais appliqué à la communication des produits de la poésie etc.

Pour le champ de l’écriture, la commission chargée d’établir le programme a gardé quelques matières plus spécifiques et essentielles pour le futur professionnel de la poésie :

Ecrire le sirupeux et le mièvre

L’art du clinquant cliquetis vide

Prononcer une conférence sans rien avoir à dire

L’art de l’intrigue

L'art de flatter le goût du jour

Les valeurs poétiques marchandes aujourd’hui

L'art du vaniteux

Les poètes professionnels déjà en activité seront recrutés pour assurer ces enseignements plus spécifiques qu’ils maitrisent souvent à merveille.

Nous ne pouvons que nous réjouir de la création de ce nouveau diplôme.

Il est enfin dépassé ce temps où des poètes, comme René Char par exemple, se contentaient simplement d’écrire sans jamais intriguer et en se tenant loin des salons ou commissions diverses. Voire en défendant des valeurs. Les seules valeurs de la poésie sont désormais commerciales fort heureusement. Nos poètes professionnels auraient beaucoup à apprendre à ces poètes amateurs désormais ringardisés.

Le temps est donc heureusement révolu aussi où certains, comme mon ami Jean Rivet, osaient ironiser sur l'appellation "Poète professionnel" écrite en 4e de couverture d'un ouvrage (voir ce qu'écrivait Jean dans Dépôt de bilan 2, éditions Isoète, p. 35).

Consulter le site du Ministère de l’Enseignement supérieur pour s'informer sur le contenu du diplôme et les modalités d’inscription.

Il va de soi que les professionnels déjà en activité pourront obtenir le diplôme par la voie de la validation d'acquis d'expérience. Se renseigner au plus vite auprès des services concernés dans l'université la plus proche de chez vous. 

A compter de juin 2016 (avec l'obtention des premiers diplômes en I.U.T.) en effet, les conférences, ateliers d'écriture, résidences d'auteurs, lectures, récitals etc. ne seront attribués qu'aux détenteurs dudit D.U.T. techniques commerciales option "poésie professionnnelle".

Le ministère de l'Education nationale envisage aussi une option "poésie professionnelle" pour le bac pro "force de vente".

***

 

Conférence...

Compte rendu d'une conférence dont le thème était :
Panorama de la poésie contemporaine

"X est un grand poète (mort depuis plusieurs années déjà, ndlr), je vais vous lire un poème de X. Lecture... Mes rencontres avec X... J'ai bien connu X.
Y est un grand poète (mort depuis plusieurs années déjà, ndlr), je vais vous lire un poème de Y. Lecture... Mes rencontres avec Y... J'ai bien connu Y.
Z est un grand poète (mort depuis plusieurs années déjà, ndlr), je vais vous lire un poème de Z. Lecture... Mes rencontres avec Z... J'ai bien connu Z.
Conclusion, et vous l'aurez compris, Je suis le panorama de la poésie contemporaine à moi tout seul. A (Nom du conférencier lui-même, ndlr)  est un très grand poète ! Comme X, Y et Z ont eu de la chance de Le rencontrer ! Comme vous avez, vous aussi, de la chance de Le rencontrer ici même !" 
(compte rendu succinct mais assez exact d'une conférence que j'ai entendue, prononcée par un "poète professionnel")

 

Le même "poète professionnel" un peu plus tard dans la soirée : "Pour moi la reconnaissance est arrivée quand j'ai eu 37 ans. Je commençais à me dire que, tant pis, j'avais atteint l'âge de Rimbaud, de Van Gogh, de Mozart..." (dixit) Il ne manquait plus que l'âge du Christ voire de Dieu lui-même ! Quelle modestie !

 

Publicité
Guy Allix, poète
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 72 645
Publicité