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Guy Allix, poète
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24 avril 2022

Poèmes pour l'amitié (10)

Poèmes pour l'amitié (10)

Jean Rivet

 

J'avais ouvert cette chronique régulière avec un ami décédé, Michel Baglin. Aujourd'hui je veux retrouver un autre ami parti lui aussi, il y a déjà treize ans maintenant, en juillet 2010. Il m'a quitté en même temps qu'une toute belle me quittait. Jean, je l'ai rencontré trop tard sûrement, bien trop tard. C'était en 2000, je crois, grâce à un texte de lui qui était anonymé et qu'il avait envoyé pour un prix de poésie dont je présidais le jury : le prix du café-livre de Lassy dans le Calvados. Une rencontre dans un train qui me menait de Caen à Carentan dans la Manche où, hélas, j'"habitais". J'avais emporté la chemise avec les poèmes qui concouraient pour le prix et j'ai été subjugué par ce texte, par sa force et son humilité, son manque évident de fard. Une merveilleuse simplicité qui disait tant. Qui aimait tant !

C'est ce texte que vous lirez plus bas et que Jean a publié au Nouvel Athanor grâce à moi par la suite. 

Jean obtint le premier prix bien sûr et je pense que j'aurais fait un scandale s'il en avait été autrement. Nous sommes devenus amis aussitôt lors de la remise du prix. Jean était si bon, si simple, si généreux. Nous nous sommes un temps engueulés tous deux par la suite au sujet d'un triste individu que je prenais pour un ami mais qui n'était qu'un  faussaire et qui se donnait pour un "poète professionnel" (sic)... le ridicule ne tue pas. Jean, très lucide, avait raison et j'avais tristement tort, j'en éprouve toujours un vrai remords même si bien sûr nous étions trop amis pour nous brouiller définitivement. Nous nous sommes croisés plusieurs fois ensuite et il m'avait encouragé à venir le voir chez lui, à Frénouville, dans la cabane du jardin où il écrivait. Je lui avais dit que j'irais en vélo et que... je lui ferais la surprise. Jean luttait depuis plusieurs années contre une saloperie de crabe...  Une première fois je l'ai appelé à l'entrée de Frénouville. Et là il me répondit qu'il était très fatigué, trop fatigué suite à une chimio... Je l'entends encore : "Tu ne m'en veux pas pas, Guy ?". Comment aurais-je pu lui en vouloir. Je m'en voulais à moi de n'être pas allé plus tôt... Un seconde fois, ce fut Michèle, son aimée, qui me répondit... Jean venait d'être hospitalisé. 

Trois jours plus tard, mon ami Gérard m'apprenait le décès de Jean et nous nous retrouvions tous deux au funerarium de Caen. Jean avait voulu le plus grand dépouillement. Nous sommes tous simplement passés devant le cercueil, avons posé notre main dessus quelques secondes et nous sommes sortis avec notre douleur... 

 

 

La mort la vie

 

1

La mort toujours à l’affut

 

Et cela qui bat

Fragile

Vertigineux

Tout au-dessus du vide

 

Le cri remonte avec la terre

Te convoque à l’urgence

Tu replies tes mains

Au-dedans de l’amour

 

*

 

2

Cela vient de si loin

Cela fuse au-dedans

Du non-sens

 

Tu pars en quête

De ce que tu ne sauras pas

 

*

 

3

Seul ce sens-là

Au dépourvu

 

C’est si peu

Si terrible pourtant

Le nom de vivre

Anthologie pour le Printemps des poètes 2020 Le poème pour seul courage, Le Castor astral, 2020

 

Jean Rivet

 

Rue Circulaire premier étage porte droite

quand le chien s'essuyait les pattes sur le tapis

un jour d'amour de terre tendrement mouillée

avec ces flocons sur les arabesques de la fenêtre

Rue Circulaire premier étage le samedi soir

après la fumée des cigarettes ah ces trains que

nous avions aimés ces espoirs cette jeunesse qui

nous prenait à la gorge le samedi soir dans la fumée

des cigarettes dans ces parties de cartes

où le noir sortait souvent

Le samedi soir au lit nous entendions les voisins

du dessus faire l'amour et nous nous demandions

pourquoi il allait falloir abandonner ces quais

de gare ces mots d'amour ce désir qui nous

brûlait et entrer dans les rides laisser

notre enfant l'herbe du plateau d'Avron

les pivoines au soleil couchant les marches

gravies un dimanche après-midi et la lecture

de ces livres dont les pages étaient

marquées à jamais d'une carte hebdomadaire

de métro station Denfert-Rochereau

 

Jean rivet, Chemin d’automne, Le Nouvel Athanor, 2002

 

Poème pour enfant de Jean

 

Elle m’a dit

Je t’aime

Beaucoup

C’est pas assez

A-t-elle ajouté

Et elle a effacé

« Beaucoup ».

Le soleil meurt dans un brin d'herbe, éditions Motus

        

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