Poèmes pour l'amitié (7)
Fadwa Souleimane
Simplement en souvenir d'une autre résistante, sublime, dans une autre guerre, dans une autre... boucherie quand Fadwa Souleimane ne réclamait que la justice et la liberté pour son peuple, et ce dans la non violence et dans une revendication laïque. Fadwa et son courage inaltérable. Son courage jusqu'au bout de la vie. Que ses poèmes puissent s'entendre jusqu'à une autre terre martyrisée.
A mes amis syriens de l’été 2001
Et à Fadwa Souleimane, in memoriam
Il y avait votre rire. Il y avait votre joie. Il y avait votre amitié. Et cette chanson de la France qui passait les frontières. Vous me disiez : viens chez nous, viens voir notre beau pays, plein de fête et de rire et de joie. Plein de fraternité !
Mes amis d’un été. Mes beaux témoins de la rencontre d’un amour. Avec vous on rêvait d’un pays. On rêvait d’une terre et la terre était belle à vos pieds, gonflée de ce rêve même. De votre chaude poignée de main.
C’était avant tous ces morts. Tant plus de morts qu’on n’ose les compter.
Je ne sais si vous êtes là encore mais vos rires et vos chansons se sont éteints et gisent eux-mêmes comme des morts. Et vous-mêmes, peut-être poussière déjà pour certains ou pourriture sous les bombes de la pourriture immonde qui vous assassine.
Aujourd’hui, mon poème a mal à la poésie qui crie, se révolte, mais ne peut rien faire d’autre que témoigner et s’insurger encore contre l’infâme et la haine.
Et rêver encore et toujours un pays comme en rêvait celle-là même qui s’est tue après s’être tant battue. Et tisser une terre enfin belle à nos pieds comme en rêvait Fadwa.
Belle par-dessus tous ces morts, tous vos morts, par-dessus vous et avec vous.
Guy Allix
Paru dans 50 Poètes Sémaphoriques, anthologie de l amaison de poésie du pays de Quimperlé, 2017
(texte commencé en 2013 et réécrit après la mort de Fadwa Suleimane le 17 août 2017)
***
Nuit
Dans l’obscurité éblouissante
mon visage est un charbon en fleurs
dans la blessure de la mémoire
et ma mémoire
est faite des villes qui meurent
effacées
par le déversement du temps dans un autre temps
Dans l’obscurité éblouissante
ma main droite est un pont formé des têtes de mes amis
et ma main gauche de forêts de bras coupés
qui continuent à réclamer la paix
dans l’obscurité éblouissante
Mon dernier souffle comme la chute de l’argent sur les villes
de cendres endormies brûlant
de Rome à la Palestine
d’Hitler à Daech
Fadwa Souleimane, Dans l'obscurité éblouissante, Al Manar, traduction de l'arabe par Sali El Jam, 2017
La fille s’enfuit
de la fenêtre donnant sur un nuage bleu
comme les rêves d’un enfant qui dort au sein de Dax
Damas
attend le retour de la fille dans la vieille maison
une paume comme le secret du jardin du Petit Escalère
un visage comme une paume de la maîtresse de la mort
La fille viendra avec ses cheveux de nuit
ô nuit longue ô fille
la fille viendra avec sa blessure qui enfantera
ô enfant malheureux ma fille
à la vieille maison la fille viendra
sa fenêtre donne sur des nuages semblables au rêve d’un
enfant à naître
qui est encore caché au sein de Dax
Fadwa Souleimane, Dans l'obscurité éblouissante, Al Manar, traduction de l'arabe par Sali El Jam, 2017
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. Fadwa Souleimane en 2003. Fadwa Souleimane (également transcrit comme Fadwa Suleiman ou Fadwa Soliman ; en arabe : فدوى سليمان) est une actrice syrienne alaouite, militante et poétesse, née le à Alep et morte le , , à Paris.
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