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Guy Allix, poète
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11 février 2022

Les vertus de l'ennui, Spered gouez (l'esprit sauvage) n° 27

Les vertus de l'ennui

 

"Célébration de l'ennui", c'est là le thème, singulier, de ce numéro d'une revue que j'aime particulièrement au point d'y être fidèle depuis près de quinze ans alors qu'elle en est, elle, à sa trentième année. Mais qu'on se rassure tout de suite ce n'est pas ennuyeux du tout et ça régénère, comme l'ennui justement peut régénérer alors que la distraction, elle, trop souvent, détourne et... dégénère. L'ennui, "c'est la voie du retour sur soi, pour se mettre en jachère et se réconciler avec son monde intérieur", nous dit Marie-Josée Christien dans la présentation du dossier et cette manière de paradoxe dans notre époque de fuite, est on ne peut plus juste. Certes, il peut y avoir un ennui morbide, l'ennui de celui qu'on a aliéné, qu'on a détourné de lui-même et qui ne peut donc pas, ou alors très peu, faire ce "retour sur soi" essentiel. Cet ennui que j'ai, moi-même, trop connu. Mais il y a, incontestablement, ces pauses d'ennui qui libèrent l'être que nous sommes et les mots qui justement construisent pierre après pierre ce que nous sommes "quand on se branche à soi", comme l'écrit bellement Myriam Oh. L'ennui sait être un territoire de poète, un chemin de poète, et il conduit à des clairières insoupçonnées. C'est cet ennui-là qui est évoqué aussi, cette rencontre heureuse avec nous-mêmes, quand on se bouche les oreilles pour écouter enfin ce long murmure intérieur, loin des sirènes de la dispersion.

Vingt poètes ont répondu à l'appel. Voici quelques pépites mais il y en a beaucoup d'autres : 

"Le fertile ennui

du dimanche

esssaime

des milliers de promesses" Marie-Josée Christien

"On veut faire, mais il n'y a rien à faire. Patience du laisser faire, la vérité n'est pas une chose à atteindre mais à attendre" Brigitte Maillard

" Dans ce contexte,"L'ennui" devient alors une forme de résitance intellectuelle" Jean-Luc Le Cléac'h

"Poème latent - là - devant soi -

léthargie du corps - languir

au paysage - apprendre la lenteur" Lydia Padellec

"L'ennui

Sans lui je ne saurais écrire" Nelly Lecoq

"L'ennui cette éternité

de poche

où des trésors

sonnaillent" Jean-Marc Gougeon

"Ma rêverie

de peu

d'arpèges" Morgan Riet

"Le temps et l'espace

se dilatent

quand l'ennui nous débauche

dans une orgie de silences

assourdissants" Syney Simonneau

L'ensemble de ce n° s'ouvre sur un éditorial qui alerte sur la disparition progressive des revues de poésie. "Sommes-nous en train d'assister à l'extinction des feux ?" alerte Marie-Josée Christien. Nombre de revues disparaissent : Arpa à Clermont-Ferrand et en Bretagne Hopala, Avel IX, 7 à dire, Digor... Or, les revues sont très importantes, c'est la vie même de la poésie. Mais on ignore trop souvent, dans les instances culturelles ou littéraires elles-mêmes, leur spécificité et elles reçoivent généralement peu de soutien de la part des régions par exemple.

On lira aussi le bel hommage de la responsable de la revue à Brigitte Maillard décédée en 2021 des suites d'une longue maladie, comme on dit. Elle était venue s'installer à Loctudy et avait fondé "Monde en poésie". Poète, écrivain, chanteuse, elle était tout simplement aimée de tous ceux qui l'ont rencontrée et ont pu apprécier sa générosité. Elle a écrit jusqu'au bout et signe d'ailleurs aussi un article dans ce n° de Spered gouez (voir plus loin). 

Grâce à Louis Bertholom, on découvre aussi la poète et peintre russe Nina Gabrielyan. A lire encore un bel "avis de tempête" signé Mérédith Le Dez consacré aux morts collatéraux du covid, à celles et ceux qui, happés par le confinement, se sont suicidés, ces "morts de chagrin" comme cet ami libraire de Mérédith, Jacques Allano, un "essentiel parmi les essentiels". De son côté Nicole Laurent-Catrice ressuscite pour nous Annaig Renault dont elle loue la probité morale et intellectuelle (c'est si rare en fait de nos jours). 

Brigitte maillard, Pierre Tanguy et Marie-Josée Christien rendent compte du dernier recueil de Gilles Baudry chez Rougerie, Il a neigé tant de silence suivi de Invisible ordinaire. Un vrai et pur poète chez un grand éditeur de poésie de notre temps qu'on avait évoqué dans cette même revue il y a quelques années (la maison a 74 ans et un catalogue prestigieux !).

Marie-Josée nous fait encore découvrir nombre de livres et de revues et s'entretient avec l'ami Georges Cathalo, poète fraternel, facétieux et généreux, grand ami du regretté Michel Baglin et infatigable lecteur de poésie et de revues de poésie. 

On lit aussi d'autres chroniques signées par des comparses de la revue : Mérédith Le Dez, Patrice Perron, Jacqueline Saint-Jean, Lydia Padellec.

Enfin le lecteur de Brassens (grand ami d'Armand Robin) doit avouer qu'il a lu en premier la seconde partie du dossier consacré à "Armand Robin et la liste noire" et signée par Jean Bescond qui est, à lui seul, une véritable encyclopédie sur l'auteur de Ma vie sans moi. On voit comment un "grand" poète notamment a pu manoeuvrer pour ajouter  l'anarchiste Robin sur la liste noire 8 jours après la publication définitive de celle-ci alors que Robin n'a jamais pu être convaincu de collaboration. Bien au contraire. De tels coups bas en disent long sur leur auteur, plus misérable en fait que "grand" poète. 

Vraiment un numéro à lire et à relire. "Spered Gouez" est une revue de poésie tout à la fois discrète, modeste, courageuse et très riche. La "probité morale et intellectuelle" dont parle l'amie Nicole Laurent-Catrice y est toujours de rigueur. 

Guy Allix

16 euros le numéro, à commander auprès de Marie-Josée Christien, fondatrice et responsable de la revue, 7, allée Nathalie-Lemel 29000 Quimper. Chèque à l'ordre de Egin. 

   

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