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Guy Allix, poète
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23 mai 2021

Max Pons : un vrai poète s'en est allé rejoindre ses amis disparus

Hommage à Max Pons

 

J'ai appris le décès de Max par l'amie Marie-Josée Christien qui, elle-même, avait appris la triste nouvelle sur le site de la SGDL (voir en lien après ce texte). Et apparemment il y a eu jusqu'à maintenant trop peu de réactions. Terrible injustice pour ce vrai poète, responsable par ailleurs d'une des plus belles revues de ces 60 dernières années et de la maison d'édition qui portait le même nom.

J'avais rencontré Max pour la première fois en 1982 lors d'un colloque Jean Follain organisé à Canisy. Jean Follain, grand ami de Max, était en quelque sorte le parrain de La Barbacane puisque c'est devant Follain qui l'interrogeait sur le titre de la revue que Max , qui était alors conservateur du château de Bonaguil, trouva ce titre (en référence à cette barbacane du château qu'il habitait alors).

Les autres rencontres de Max, j'y reviens dans un projet d'article que je joins ici. C'était un article destiné à un hommage à Max que préparait Jacques Simonelli en 2018. Hommage auquel devait participer aussi l'amie Marie-Jo. Mais, dans sa discrétion, Max n'a finalement pas voulu alors de cet hommage. J'y joins aussi l'article écrit alors par Marie-Josée qui rend hommage à celui qui fut aussi un amoureux de la Bretagne.

Grande peine depuis que j'ai appris le décès de Max. Sa parole, intarissable, s'est tue et ce silence pèse lourdement. Mais il y a un autre silence, terriblemment injuste, un silence insupportable ! Celui qui suit la mort de Max. Hormis le site de la SGDL (qui lui avait décerné son grand prix de poésie pour l'ensemble de son oeuvre en 2011), un article de La Dépêche du 19 avril et l'hommage de Marie-Josée Christien sur ABP, je n'ai rien vu. Et le site du "Printemps des poètes", pourtant averti, ne mentionne même pas son décès dans sa fiche... Misère des poètes.

C'est vrai que Max était d'un autre temps, d'un temps où la poésie n'était pas une profession ou un commerce mais une vraie passion. Un temps de patience sur Velin d'Arches avec caractères de plomb, un temps pour "une revue des pierres et des hommes". Un temps qui prenait son temps loin des échanges virtuels. Un temps vrai et plein.

Je passerai très vite j'espère à Montcabrier où il s'est éteint. J'y passerai avec ma petite reine pour y grimper la côte comme je devais le faire quand il m'avait invité chez lui et que, fidèle à de mauvaises habitudes, j'étais arrivé trop en retard pour tenir ma promesse. Il se peut que son ami Louis Nucera, cycliste chevronné, renversé sur sa belle monture par un chauffard, l'avait lui-même grimpée. Ce sera un peu de ma sueur en hommage à l'ami Max.

La sueur c'est une forme d'amour. Une forme d'hommage aussi.

 

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Max et le tipouet à Cordes-sur-ciel juillet 2012 (photo de Marie-Josée Christien

 

Hommage à Max Pons

Écrivain, poète, conférencier, administrateur du château de Bonaguil, et lauréat du Grand Prix de poésie SGDL pour l'ensemble de son œuvre en 2011, Max Pons s'est éteint le 10 avril 2021 à Montcabrier. Né le 24 février 1927 à Condat (Commune de Fumel), entre Quercy et Périgord, sous le signe des " Poissons" et du calcaire comme il aimait à le dire.

https://sgdl.org

 

Montcabrier. Max Pons, grand homme de lettres, n'est plus

Max Pons né le 24 février 1927 à Condat, dans le Lot-et-Garonne, décédé le 10 avril 2021, vivait depuis 45 ans à Montcabrier.Il a passé son enfance à Vitry-sur-Seine où son père travaillait à la SNCF. À la retraite de...

https://www.ladepeche.fr

 

Le poète et éditeur Max Pons est décédé

C'est par un hommage sur le site de la SGDL (Société des gens de lettres) que j'apprends le décès de Max Pons survenu le 10 avril à Montcabrier, à l'âge de 94 ans. Né en 1927 entre Quercy et Périgord, écrivain et poète, il fut aussi conférencier et administrateur du château de Bonaguil jusqu'à sa retraite en 1992.

https://abp.bzh


 

Rencontres avec Max Pons

 

Ah, les rencontres avec Max !!! Je ne sais si je vais les citer dans l’ordre et pourtant elles sont trop peu nombreuses à mon goût. J’oserai bien sûr y mêler mes rencontres sur le papier, le beau papier de La Barbacane où Max m’a fait l’honneur de m’accueillir, et la première fois lorsque la revue n’avait que vingt ans (je n’étais guère plus vieux qu’elle alors…).

Et puisque j’évoque cette magnifique revue je me dois de dire que notre première vraie rencontre a eu lieu dans les territoires de Jean Follain, ce grand poète que nous admirons tous deux et qui assista, si ma mémoire est bonne, à la naissance de la revue, inspirant même, je crois, le titre à l’habitant de la barbacane du château de Bonaguil. Oui, nous nous sommes rencontrés à Canisy en 1982 où tous deux nous avons prononcé une conférence sur l’auteur d’Exister. Quelques autres amis poètes ou universitaires nous accompagnaient lors de ce colloque Follain : Arlette Albert-Birot, Edmond Humeau, le fidèle Hughes Labrusse, Jean-Yves Debreuille, Serge Gaubert. Et des amis de la région qui ont contribué à l’organisation de ces journées : Thérèse Thomas et Ghislaine Pichelot entre autres et ce en présence de Madeleine Follain elle-même. L’intervention de Max portait sur « Les nourriture dans le lexique de Jean Follain » et je retrouve le texte dans un numéro des Cahiers bleus concocté par Dominique Daguet. Je me rappelle surtout cette passion, cette chaleur du gourmet, qui se lisait dans son intervention.

Très peu de temps après, Max offrait un superbe cadeau au tout jeune poète qui n’avait encore que très peu publié : il m’invitait à La Barbacane, je veux dire dans cette superbe revue et pour ses vingt ans ainsi que je l’ai déjà dit… mais on aime à répéter ses bonheurs. Sous un magnifique dessin inédit de Cocteau le n° 27/30 de la revue donnait à lire Pierre Albert-Birot, Jean Cocteau, Raymond Datheil, Jean Follain, Alain Galan, Guillevic, Max Jacob, Hughes Labrusse, Charles Minetti, Michel Nicoletti, Bernard Noël, Jean Rousselot, Max Pons lui-même et un pauvre gamin dont je peux taire ici le nom. Imprimé à 500 exemplaires numérotés sur Velin d’Arches. Un bonheur et je peux le dire aussi : une grande fierté. Les chevilles du gamin explosaient. Je possède l’exemplaire n° 152 que j’ai fait relier très vite (en demi-maroquin à coins) tant j’avais peur d’abîmer ce bijou. Petite anecdote amusante : deux jeunes étudiants de l’université de Caen avaient alors rédigé un mémoire sur « L’émergence d’un jeune poète » et ils avaient évoqué sa publication récente dans la revue « La barbe à Canne » (sic).

Il y eut ensuite ce beau numéro : « Autour de Follain et de quelques autres » (N° 51/52) en 1991 où j’étais auprès de Ponge, Follain, Lefèvre, Rousselot, Labrusse, Phytilis, Alhau, Schneider, Besnier, Dhainaut et Max lui-même. Il y avait encore Jean Le Houx et Olivier Basselin, auteurs de Vaux-de-Vire. Et enfin un certain Malherbe lui-même qui… vint se joindre à nous. A signaler encore en 2008 ce « Correspondances » (le n° 91-92) où Nucera, Morino, Guenane, Denni, Tellache, Romero et Max accompagnaient ce jeune poète… qui avait vieilli.

En 1993, je retrouvais Max encore une fois pour le colloque Le Monde de Jean Follain, organisé par Arlette Albert-Birot au Centre Culturel International de Cerisy-la-salle. Nous sommes toujours dans les pas de Jean Follain qui hanta aussi ce beau lieu ainsi que le rappelait alors Claire Paulhan qui venait de publier les Agendas du poète. Max y prononça une conférence très pertinente sur un des sujets majeurs du poète : l’image féminine. Hélas moi, le régional de l’étape, requis là pour évoquer « La mort à l’œuvre » je n’eus pas l’autorisation conjugale d’assister à tout le colloque et donc d’échanger avec lui comme je l’aurais voulu.

Il y eut enfin ce numéro 95/98 en 2013 : « Déjà cinquante ans » : Geneviève Besse-Houdent, Louis Bertholom, Sylvestre Clancier, Colette Davilès, Francis Denni, Guénane, Cathy Garcia, Michel host, Hughes Labrusse, Paul Placet, Jacques Simonelli, Jean-Yves Masson et Max accompagnaient un poète toujours plus vieillissant qui, à 60 ans tout juste et 30 ans après sa première fois, était encore là pour cet anniversaire d’un demi-siècle.

Je veux évoquer aussi deux autres rencontres réelles avec Max. Je ne sais plus bien dans quel ordre elles sont intervenues ni si elles se placent avant ou après ce numéro du cinquantenaire. Avec l’âge, oui, la mémoire de l’ancien jeune poète flanche un peu…

Un été, Max m’invite chez lui à Montcabrier pour le déjeuner. Je suis attendu pour midi. J’ai pris mon vélo de course avec moi dans la voiture et j’ai promis à Max de grimper la côte de Montcabrier après avoir gravi cette année-là le col d’Aspin lors d’un passage chez l’ami Serge Torri. Las je ne grimperai pas la côte de Montcabrier : j’arrive chez Max très en retard, m’étant pas mal perdu sur les routes. En grand gourmet qu’il est, Il m’avait fait préparer un déjeuner de rêve et j’arrive… à l’heure du goûter. Il m’avait gardé bien sûr quelques mets mais les autres convives n’avaient pu attendre le visiteur trop peu ponctuel dont les amis vont encore bien rire en lisant ceci. Je passais ce jour-là un superbe moment chez Max, m’excusant comme je le pouvais de cet impardonnable retard… qu’il me pardonnait. Toujours aussi volubile bien sûr et me donnant à lire et à voir moult livres, numéros de revue, lettres manuscrites de Breton et autres.

L’autre rencontre… Nous sommes à Cordes-sur-ciel en 2012, je crois, pendant le festival organisé par Paul Sanda et ma grande amie Marie-Josée et moi descendons la ville. Nous avions souvent évoqué tous les deux Max avec une égale passion et amitié. Et voilà que nous le voyons monter la rue vers nous. Surprise, émotion des deux côtés. Embrassade. L’un d’entre nous se retourne un instant et, sidéré, voit, là-même où nous nous rencontrons, un panneau : nous nous sommes croisés rue de la Barbacane ! Nous passerons la journée ensemble tous les trois et partagerons le midi un repas, peu propre, il faut le dire, à être apprécié par notre gourmet qui n’en restera pas moins intarissable.

Enfin il y a bien sûr la fréquentation de la poésie de Max, fréquentation qui s’est étalée pour moi sur plusieurs décennies à travers des publications en revue principalement. Max me semble avoir peu publié de poèmes sans doute justement parce qu’il connaît le poids du silence et sa nécessité dans l’écriture exigeante. Sans doute aussi parce qu’il a préféré porter généreusement la voix des autres poètes.

Mais en 2011 il y a Vers le silence, recueil édité toujours à l’enseigne de La Barbacane avec une édition de 150 ex sur Velin d’Arches (j’ai l’exemplaire n° 71). Après une belle préface de Michel Host se lit un grand poète qui effectivement a tant su donner aux autres qu’il s’est oublié lui-même. On lit dans ces pages jusqu’au « vertige tout puissant/ De l’insaisissable » quand « la chair est cette pâte à pétrir ». « Le temps sculptant le temps nous transforme en granit » dit encore le poète. En fin de volume Max cite cette superbe phrase de Cocteau : « On ne se consacre pas à la poésie, on s’y sacrifie ». C’est tout dire de son éthique, de ce que j’appellerais sa « poéthique » (j’aime ce néologisme qui dit tant). Bien des petits monstres d’orgueil auraient là des leçons à prendre.

Cet important recueil j’ai été heureux d’en rendre compte justement dans la revue Spered gouez de l’amie Marie-Josée Christien comme j’ai été heureux aussi de présenter Max dans mon anthologie subjective sur Internet où il accompagne une centaine de poètes que j’aime.

Il y a chez Max, homme et poète, une générosité soleilleuse qui s’allie merveilleusement à la force et j’ose dire à la fidélité de la pierre qui ne vous fait jamais défaut portant un abri sûr et durable. Comme il a veillé en la barbacane de l’entrée du château de Bonaguil, il veille à l’entrée du domaine « poésie » et sait là aussi nous guider au mieux, tout autant par son silence et sa réserve poétique que par sa généreuse faconde.

C’est un bonheur et un honneur d’être l’ami de Max Pons.

Guy Allix, décembre 2018

 

L’amoureux de la Bretagne

 

 

Max Pons fait partie des éditeurs qui ont participé au salon de la Petite Edition de Quimper qui, de 1992 à 2001, réunissait une cinquantaine d’éditeurs de poésie venus de tous horizons géographiques. Il y présentait son excellente revue et ses éditions La Barbacane, partageant volontiers avec les amateurs son goût pour les publications en typographie sur beau papier. Fin gourmet, il profitait de son séjour pour découvrir les bons restaurants et la gastronomie bretonne. D’un tempérament ouvert et volubile, d’un esprit curieux, il se lia sur le salon avec de nombreux auteurs bretons, dont ceux des éditions Blanc Silex, des revues Quimper est poésie, Les Voleurs de feu et Spered Gouez, avec qui il est resté en contact épistolaire et en fidèle amitié. C’est à cette occasion que j’ai fait sa connaissance, à l’initiative de Jean-Pierre Salaün qui fit les présentations. Pour prolonger ces rencontres, Max dirigea ensuite l’anthologie Poètes de Bretagne aujourd’hui, fruit de ses découvertes et de ses coups de cœur. Il m’invita au sommaire, en compagnie de Gilles Baudry, Guénane, Gérard le Gouic, Herri-Gwilherm Kérourédan, Charles Le Quintrec, Jean-Paul Kermarrec, Bruno Geneste, Louis Bertholom et bien d’autres poètes que Max Pons en fin connaisseur considérait comme représentatifs de la poésie bretonne actuelle. Il revint à Quimper en 2002 pour la sortie de l’ouvrage, qui fut joyeusement fêtée dans un restaurant du bourg de Coray, non loin de Quimper.

Les liens complices de Max Pons avec la Bretagne sont cependant beaucoup plus anciens. Enfant, alors qu’il vivait dans la région parisienne, il a passé ses vacances familiales à Douarnenez, en Bretagne, de 1933 à 1937. Comme nombre de ses prédécesseurs de passage, ce port finistérien a durablement marqué ses souvenirs. Lors d’un séjour à Douarnenez en 1998, Max Pons a éprouvé le besoin urgent de rendre hommage à la ville qui a certainement contribué à affûter son regard et son esprit, à cette « Bretagne granitique et sauvage » comme la désignait Gauguin, où « l’aire de (ses) perceptions allait s’agrandir ». C’est ainsi qu’est né A propos de Douarnenez, des souvenirs et des regrets aussi, qu’il publia en 1999, naturellement aux éditions La Barbacane. Max me fit l’amitié de me l’adresser. J’en rendis compte dans un article de ma chronique critique « Journal de Bretagne » publiée par Rimbaud Revue.

Dans cet ouvrage, Max joint au récit de ses souvenirs d’enfance, illustrés par des photographies émouvantes tirées de l’album de famille, ses observations sur la ville actuelle. De son enfance, il restitue l’émotion des sensations physiques des déambulations dans les venelles bruyantes et animées, des sonorités de la langue bretonne de ses camarades de jeux, des couleurs des bateaux, de celles de l’ardoise, de la pluie et de « son isolement ouaté », du « mélange de senteurs d’iode, de goémons, d’algues et de sel ». Dans les méandres des souvenirs, les paysages restent omniprésents : le port, la plage du Ris, les Plomarc’h, l’île Tristan, Sainte-Anne-La-Palud, le Menez Hom. Max Pons montre dans ce livre combien les paysages et les émotions de l’enfance façonnent toute une vie, même si notre mémoire en est généralement oublieuse. La sensibilité poétique de Max n’oublie pas qu’elle est redevable à ces instants fugaces.

De retour à Douarnenez pour plusieurs séjours, il fait le dur constat que la ville a changé depuis son enfance. Les conserveries de sardines, la gare, de nombreuses bâtisses ont disparu, sacrifiées à la rentabilité. Les bruits et les odeurs se sont évanouis. La nouvelle criée est « moderniste et triste ». Le Port-Rhu est devenu un musée, lui aussi à l’abandon. Max Pons se fait le témoin des mutations du milieu ouvrier et du monde marin.

Il éclaire également ses souvenirs par ses rencontres littéraires fortes, avec les textes de Proust, de Flaubert, Mallarmé, Corbière, Max Jacob, Georges Perros, Henri Queffélec, les toiles d’Yves Tanguy, les œuvres de ceux qui, de passage ou habitant en Bretagne, ont eux aussi été captivés par la magie de la baie de Douarnenez. Ce livre, diffusé par ses soins et également en partie par les éditions Blanc Silex, reçut un bon accueil, malgré des déboires avec un libraire douarneniste peu scrupuleux qu’il relata dans « Une petite arnaque en Cornouaille » paru dans le n° 13 de la revue Spered Gouez / l’esprit sauvage (2006).

L’année suivante, je lui confiai le billet d’humeur « Avis de tempête » du n°14 de la revue. Il y déplorait, sous le titre « Mauvais temps pour la littérature », l’indigence de la critique littéraire et l’indifférence de la presse pour les livres  et constatait que « décrocher une modeste notule dans la presse régionale relève de l’exploit ». Sa remarque demeure hélas de plus en plus valide.

Après la sortie de son anthologie de poètes bretons en 2002, je n’ai revu Max que dix années plus tard, en juillet 2012 à Cordes-sur-Ciel, mais je laisse le soin à Guy Allix de raconter les circonstances étonnantes de cette rencontre, dignes de la cité qui abrite la Maison des Surréalistes.

 

Marie-Josée Christien

 

 Max Pons, Vers le silence, Editions de La Barbacane

Voilà un de mes coups de cœur de ces dernières années en matière poétique. On devine que, comme toujours à « La Barbacane », l’impression est soignée. Ainsi l’édition originale est imprimée sur papier Arches, 160 gr avec toute l’attention habituelle. Un ouvrage de bibliophile ! Et surtout un ouvrage de grand poète. L’ami Max Pons s’est tellement effacé derrière les autres depuis les décennies de l’aventure barbacanienne qu’on oublierait presque ce constat. Voilà qui est réparé avec ce merveilleux Vers le Silence. Max le donne, après la préface instruite de Michel Host,  comme un testament. J’y retrouve, avec d’incontestables différences, cette authenticité et cette profondeur qui faisaient le bonheur de Dis-moi ma vie de Seghers il y a près de 40 ans. Host affirme dès les premières lignes : « Marcher en lucidité vers le silence est sans doute, avec les mots et le rire, l’un des apanages de l’homme. » Et c’est dans cette lucidité même (« la blessure la plus proche du soleil » disait Char) que se gravent les plus vrais poèmes.

« Je suis venu au monde/ Pour m’unir au mystère, /Acquiescer au silence », affirme le poète d’entrée de jeu. Mais cette gravité justement n’exclut jamais la malice (voire les « facéties », titre d’une partie du recueil), la sensualité de l’amoureux des pierres, « vives », et des hommes. Au moment de l’« inventaire », pas de larmoiement comme s’il s’agissait toujours de cueillir, de ne pas manquer les roses dernières. C’est entre stoïcisme et épicurisme que se fait l’approche quand « Le dedans et le dehors / Se rêvent » quand bien même « L’inquiétude ombreuse / monte la garde ». Les ruines, si humaines, sont objets de juste méditation : « L’herbe, l’herbe partout dans ce chaos pierreux, / C’est sa manière à la grande ruine de porter ses cheveux blancs ». Les ruines, les pierres ramènent donc à la chair à « cette pâte à pétrir » quand « Le mystère du sexe / Fait éclater le temps ». Elles nous ramènent donc à ces superbes poèmes d’amour de Corps multiple que l’on trouve au centre du recueil : « Alors je me tairai / Et ton corps deviendra multiple ». S’il faut sans doute « laisser faire / La mémoire des âges », cela ne signifie en rien qu’il faut laisser passer le temps : « -Non, lui répond l’autre : / Il faut l’agrandir ».

« C’était d’une beauté / Où tout naissait encore », se souvient le poète comme avant de prendre congé… sur une « grande naissance » où « Le temps sculptant le temps nous transforme en gisants ». « L’identité acquise / Il sera donc cet homme/ Qui s’acheminera / Jusqu’au but de son temps. /Vers la plus haute naissance. / Qui sait ? », affirmait déjà le poète en 1967 dans le texte dont il a voulu qu’il vînt clore le propos. 

En fin de recueil nous trouvons un bel hommage à René Rougerie et à Pierre Seghers. Suit une citation de Cocteau qui résume assez bien la passion de Max : « On ne se consacre pas à la poésie, on s’y sacrifie ».

Vers le silence est tout simplement un grand livre et les mots ne peuvent suffire pour le dire.

Article paru dans la revue Spered gouez

 

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